Western métaphysique qui brouille les frontières des genres littéraires. Une fresque épique traversée de questionnements existentiels et où l'aventure conduit à l'introspection. Si Abel est digne des plus grandes légendes du far west, le thème de cette œuvre n'est pas le western, mais bien le sens de la vie. A la fois pistolero et philosophe, Abel Crow, personnage principal d'un western imaginaire, nous raconte les étapes importantes de sa vie. Il nous livre sa quête de soi, ce qui fait qu'il est lui.
Sous une narration musicale, rythmée par de courts chapitres, construit comme un journal intime, Alessandro Barrico, reconstruit le puzzle de la vie d'un homme. Cette reconstitution est possible par le prisme de trois personnages féminins ( l'amante, la sœur et la mère) qui nous livrent le portrait d'un homme qui se cherche un destin. Roman mystique, conte parabolique, mais physique et primitif, Alessandro Barrico signe une œuvre poétique unique et envoûtante. Et on se prend à s'interroger à notre tour sur le sens de notre vie.
Comme née du paysage, une femme apparaît dans un village où elle n’a jamais mis les pieds mais où tout le monde semble connaître son histoire. Silencieuse elle vit à petits pas, sans faire de bruit. Elle porte le deuil d’un fils. Cette femme s’appelle Marie, mère et sainte, nous la reconnaissons bien évidemment sans qu’elle soit spécifiquement nommée dès les premières pagnes. Mais dans ce village, et dans ce livre écrit tout en douceur et en finesse, c’est une autre version d’elle même qu’elle va découvrir. Elle ne renie rien de son passé, de son destin mais elle va s’inscrire dans un autre présent qui transforme l’iconographie figée de cette femme en une présence terrestre bien différente de celle que l’on connaît, grâce aux rencontres, à la conscience de la beauté et du présent, et à l’écriture. Un livre apaisant, consolant, doux et extrêmement beau qui parle de la puissance des mères.
Frith a six ans quand sa mère Hayley, professeure et traductrice de poésie chinoise, décide de plaquer sa carrière universitaire pour venir s’installer dans une cabane rustique au pied des montagnes du Vermont et s’inventer une vie libre et belle. Ce retour à la terre est rude, mais toutes deux subsistent grâce à
la pommeraie qui flanque leur terrain et au sirop d’érable qu’elles produisent. Scolarisée à domicile, l’intrépide Frith s’imagine reine de leur paradis sauvage, ignorant tout des peines et des regrets qui ont poussé Hayley à se réfugier ici. Saison après saison, mère et fille vivent en autarcie, affrontant
“le monde et ses déceptions main dans la main”, jusqu’au jour où Rose, une artiste locale, frappe à leur porte et bouleverse leur existence.
Près de trente ans plus tard, Frith se remémore les jours heureux d’avant les tragédies et revisite sa relation fusionnelle avec Hayley à travers les sublimes poèmes qu’elle lui a légués.
L’auteur de "La Rivière" signe un roman tout en pudeur et délicatesse, nimbé d’une mélancolie tchékhovienne, sur les pertes de l’enfance, les amitiés indéfectibles et la force inébranlable de l’amour entre mère et fille.
« Les bouchères » Sophie Demange : Anne a repris la boucherie paternelle à Rouen, son père est mort l’année précédente et elle souhaite faire de cette enseigne un lieu qui magnifiera la matière, le savoir faire et où s’exprimeront les caractères de celles qui la feront vivre. Cette boucherie sera une boucherie de bouchères, un défi puisque ce métier est depuis toujours la chasse gardée des hommes et dans l’inconscient collectif une boucherie est tenue par un boucher. Ce seront elles, Anne, Stacey et Michèle qui trancheront, découperont et transformeront cette enseigne à leur image. Derrière le billot, elles arborent leurs ongle pailletés et leurs avant bras musclées. L’amour du métier a réuni ces trois femmes mais elles seules savent ce qui les lie plus profondément, un passé qui ne passe pas et qui se rappelle bien malgré elles à elles. Quand certains notables s’évaporent sans laisser de traces, les regards se tournent vers la boucherie. Un roman féministe explosif et jubilatoire.
À dix-sept ans, à l’âge des romans à l’eau de rose, des serments d’amitié et des poèmes de Rimbaud, une jeune fille fume une cigarette à la fenêtre de sa chambre. Cette transgression déclenche la violente fureur de sa mère. Un ultimatum lui est alors posé : elle devra produire un certificat de virginité. L’examen gynécologique forcé sera sa « première fois ». Comment sortir de l’enfance quand tous les adultes nous trahissent ? Comment aimer quand ceux qui nous aiment nous détruisent ?
"Dans ce premier roman, la poétesse franco-marocaine Rim Battal pointe la persistance d’un patriarcat « imbu de lui-même » qui s’immisce dans l’intimité des femmes. Mais adresse également un beau message d’espoir et d’émancipation."
"On y entend le feu de la rage, les soubresauts salvateurs de l’ironie. On goûte l’arrachement et l’envol de l’adolescente, son émancipation par l’art et l’écriture, ses flèches contre le mensonge et la folie du monde. On pense au documentaire Les Filles d’Olfa, dont ce récit partage la violence et l’humour, la fierté offensive et la grâce formelle. Une même vitalité à dire, témoigner, ferrailler et accorder son pardon tout en criant la blessure."
Au sommet de sa carrière, Elsa M. Anderson, pianiste virtuose, perd ses moyens et quitte la Salle dorée de Vienne en plein récital du Concerto n°2 de Rachmaninov. Une fuite en avant qui prend rapidement la forme d'une quête d'identité. À Athènes d'abord, dans un marché aux puces, où la jeune pianiste observe une inconnue affublée d'escarpins en peau de serpent en train d'acheter une paire de petits chevaux mécaniques. Elsa ne peut alors s'empêcher de convoiter les mêmes objets, comme s'ils détenaient la clé d'un secret bien enfoui en elle. D'Athènes à Londres puis à Paris, au fil des réapparitions soudaines de ce mystérieux double en talons hauts qui semble la poursuivre, "Bleu d'août" dresse le portrait éblouissant et virtuose, tout en mélancolie et métamorphose, d'une femme empêchée de jouer sa partition tant qu'elle ne se confronte pas à son passé. Cette part fantôme qui hante la vie de l'héroîne malgré tout ses efforts d'effacement permet aussi de rebattre les cartes pour Deborah Levy et de remettre en cause les destins qui s'imposent.
La collection "Traits et portraits" est destinée à accueillir les textes personnels et intimistes. Marie NDiaye aborde de biais, par quatre textes qui pourraient se lirent indépendamment, son histoire familiale. Née de mère française et de père sénégalais, elle n'a aucun souvenir de ce dernier, parti quand elle avait deux ans. Du récit officiel aux hypothèses sur la vérité de ce départ vécu comme un abandon, elle tisse quatre récits, quatre portraits. Le premier est un long face à face douloureux de la narratrice avec sa mère dont elle espère encore recueillir quelques inormations sur les raisons de l'absence paternelle. Mais têtue, murée dans le silence et atteint de démence sénile, la mère ne compte pas abdiquée devant sa fille et préfère évoquer le bon Denis, figure paternelle de substitution. On comprend que s'éloigne avec cette ultime confrontation la possibilité pour la narratrice d'une vérité. Marie NDiaye choisit alors de raconter l'enfance de ces deux parents, enfances en partie imaginées et reconstituées faute de témoignages mais qui redonne dignité et vie à ce couple dont elle est la fille. Une manière de déconstruire la mythologie familiale et de constater que comme elle son père a été confronté au racisme familial qui peut-être provoqua son départ. Mais avant que l'autrice ne se penche directement sur sa propore histoire, ces douleurs n'avaient pas de noms. La dernière partie, le voyage vers le père, voyage imaginaire, voyage rêvé et tellement paradoxalement envisageable sera la dernière pirouette pour tenter de mettre un point final à cette recherche. Un récit intense et bouleversant qui dit la quête d'une vérité qui ne lui sera jamais acquise. Quel vertige. Quelle réussite.
Au sein d'une famille bourgeoise catholique "Où rien n'est jamais formalisé", on parle peu de Betsy, réduite à "une non personne" ou "un non sujet". Que s'est-il réellement passé pour que Elisabeth dite Betsy, arrière grand-mère de l'autrice soit la grande absente de l'histoire familiale. Internée à 25 ans sous contrainte pendant quinze ans , diagnostiquée schizophrène et pourtant mère de six enfants, cette femme hante toutes les femmes de la famille qui redoutent être porteuses de cette maladie mal définie qui a brisé leur aïeule. Arrivée à l'âge fatidique de 25 ans, Adèle Yon se lance dans l'enquête, avec une courageuse obstination elle interroge sa famille, croise les témoignages, s'informe sur la psychatrie des années 50 en France. Un livre hybride et puissant qui mêle avec une profonde liberté de ton, l'enquête, les archives, le récit intime, le road trip et l'essai. Plus de trente ans après la mort de Betsy, son arrière petite fille lui redonne corps et vie, et crève le silence. Absolument bouleversant.
Stella Maria Miles Franklin, née en 1879 dans le bush australien, est fille de fermiers. Elle fit des débuts fracassants dans le monde littéraire avec son premier texte d’une audace et d’une franchise saisissantes a juste 20 ans, « Ma brillante carrière ». Soutenue par les principaux auteurs australiens de l’époque, elle est cependant mise à l’écart des cercles. Elle invente alors un journalisme d’immersion qui lui fait vivre le calvaire des employées de maison. Ne pouvant se faire publier car trop subversive, elle part aux Etats-Unis où elle poursuit son engagement féministe et social. Elle fait notamment éclore à Chicago les premiers syndicats d’ouvrières avant de repartir au combat en Australie après être passée par Londres. Pour contrer ses détracteurs, elle use de nombreux pseudonymes. Par volonté testamentaire, Miles Franklin a créé le prix littéraire australien qui porte son nom. Un personnage inspirant qu’Alexandra Lapierre met en scène de manière romanesque.
En 2013 Gabrielle Filteau-Chiba a quitté Montréal, son travail, sa famille pour s’installer dans une cabane dans la région du Kamouraska au Québec. Elle a passé trois ans au coeur de la forêt dans un ancien campement de bûcheron sans eau courante, électricité ou réseau. Avec des coyotes et une chienne comme seule compagnie. De cette expérience est née la trilogie du Kamouraska « Encabanée » - « Sauvagines » et « Bivouac ». Ce nouveau roman nous propulse dans un futur assez proche. Les forêts ont été vidées de leur sève et de leur oxygène, la sécheresse, les incendies ont désertifié les territoires et les humains sont confinés dans des cités cernés de haut mur protégeant ainsi ses habitants de la dévastation et du chaos qui sévissent au-delà. Ces unités de vie totalitaires et ultra surveillées évoquent la « Servante écarlate » de M. Atwood. Un programme de reforestation très au nord du pays a été mis en place, une sorte de colonie pénitentiaire où atterrissent les bannis de la société. Pour certain ce territoire à replanter représente un espoir car une poche de liberté où la nature pourrait reprendre ses droits.
Sandrine et Gabriel forment un couple uni autour de leur fille Thalie âgée de 16 ans. Thalie est un pur produit de cette société dénaturée qui ne connaît qu’une vision falsifiée de l’univers qui l’entoure. Ses parents activistes repentis espèrent échapper un jour à cet enfermement. A l’occasion d’un camp d’été de reforestation dans une communauté de planteurs déjà bien établi, Thalie va découvrir cette vraie nature et le destin de cette famille prendra alors une tout autre direction. Récit jubilatoire en franco-québécois, d’une grande puissance onirique et d’un souffle puissant. Un conte qui résonne avec les troubles de notre époque.