Troisième roman de Gabriella Zalapi, auteure et artiste plasticienne. Ce livre est écrit à hauteur d’enfant, il raconte l’histoire de l’enlèvement d’une petite fille de 8 ans par son père. Un jour de mai 1980 , Ilaria monte dans la voiture de son père à la sortie de l’école, ses parents sont en instance de divorce. Passé le week-end, il ne raccompagne pas l’enfant chez sa mère et invente des vacances qui vont durer deux ans. Ils voyagent du Nord de l’Italie jusqu’en Sicile, d’hôtel en station service, le père bois pas mal, il s’arrête régulièrement pour téléphoner à la mère de l’enfant sans que cette dernière puisse lui parler. Parfois, il manque d’agent, il monte de petites escroqueries auxquelles sa fille participe. L’enfant apprend à ne pas pleurer l’absence de sa mère, à ne pas poser trop de questions… Mais il y a aussi des moments solaires et le parti pris de rester du côté de la lumière. Un texte bouleversant.
8 ans après la parution de « Petit pays » Gael Faye parle dans « Jacaranda » de la génération d’après le génocide, la jeunesse d’aujourd’hui qui tente de vivre, grandir, s’exprimer, être heureuse malgré les traumatismes du passé. Milan le narrateur a 12 ans en avril 1994, quand il entend pour la première fois parler du Rwanda à la TV, il vit avec sa mère rwandaise et son père français en région parisienne. Sa mère ne parle jamais de son pays. Elle élude et reste très évasive quand elle accueille un jeune garçon Claude, grièvement blessé pour quelques mois en France. Milan part pour la première fois au Rwanda quand il a 17 ans. Vont alors commencer pour lui des années d’apprivoisement avec ce pays qu’il va apprendre à connaître et à comprendre. Ce récit est nourri des allers retours du narrateur, avant son installation définitive au Rwanda, des amitiés qu’il va construire à Kigali avec Claude (demi-frère de sa mère) , Euzébie, Sartre, soldat Alfred, sa grand-mère Rosalie, sa cousine Stella. Gael Faye nous fait entrer avec sa délicatesse habituelle, en évoquant beaucoup le quotidien, dans la vie de personnes proches (ses amis, sa famille) qui doivent composer avec les horreurs du passé et l’envie d'avancer en rêvant à l’avenir. La musique tient une place importante dans ce récit.
Une fresque historique qui mêle l’histoire et le récit personnel et nous permet de mieux connaître la Nouvelle Calédonie. Alice Zeniter prend le temps d’expliquer tout sur cette île, son histoire, ses histoires multiples mais aussi sa géologie, sa végétation, son rapport au temps et à l’espace, ses croyances, les histoires coloniales qui se sont entremêlées, l’histoire de la colonie pénitentiaire… elle rompt avec les récits de l’épopée coloniale en restituant tout ce qui compose la culture de cette île sur le temps long et force à changer les modes de récits. Tass est née en Nouvelle Calédonie de père Kanak et de mère métropolitaine, elle a vécu une dizaine d’années en métropole où elle était prof de français. Après de nombreux allers et retours qui lui ont fait perdre un peu contact avec l’île, elle revient à Nouméa et reprend un poste d’enseignante dans un lycée. Parmi ses élèves deux jumeaux Kanak l’intriguent, ils échangent peu avec les autres lycéens, et semblent porter des tatouages qui intriguent Tass. Un jour ils disparaissent, elle part à leur recherche. Elle aborde, grâce à ce déplacement sur le territoire, d’autres façons de penser l’espace, le temps et l’humanité.
Armand et Birke comédiens connus forment un couple très remarqué. Leur fille Miranda qui a grandi dans ce milieu ouvert et décomplexé demeure pour ses parents un mystère. Enfant discrète, adolescente effacée, elle semble dans l'incapacité de dévorer la vie comme ses parents. Submergée régulièrement par des crises de mélancolie, elle sonde son époque, ses tensions, ses inquitéudes et sa violence. Cette incursion dans l'intimité d'une jeune femme, qui comme d'autres avant elle ont rejoint le club des enfants perdus, nous éclaire sur les interrogations d'une génération.
Rescapée des massacres de son village en 1992, laissée pour morte après une tentative d'égorgement qui l'a privée de sa voix, la narratrice Aube vit à Oran. Elle porte sur son corps et sur son visage les traces d'une guerre dont il est interdit de parler. Enfermée dans le silence de son corps, elle dialogue avec l'enfant qu'elle porte et qu'elle prénomme Houris. Coincée entre son salon de coiffure, la mosquée et les prêches haineux de l'Imam du quartier à l'égard des femmes, elle entreprend un long périple vers son village natal "l'endroit mort" décimé par les katibas islamistes. Récit écrit à la première personne, d'une intensité rare et dans lequel l'auteur s'engage sans détour contre les représentants du pouvoir religieux.
Une petite ville américaine apparemment charmante où rien de tragique n'arrive jamais. Des secrets bien gardés, des gens qui pensent tous se connaître et en savent si peu sur eux mêmes. Une shérif, un professeur de littérature au passé trouble, des adolescentes en quête d'avenir... et le corps de Léo retrouvé sans vie au bord du fleuve.
Un récit qui traque la part d'ombre en chacun.
Après "Blizzard" Marie Vingtras confirme son grand talent de conteuse au plus près de ses personnages.
Quel crime a commis Agnès pour ressentir aujourd'hui l'impérieux besoin de se confier ? Cette jeune catholique pratiquante était pourtant parvenue à rendre sa vie conforme à son rêve et au scénario souhaité par son milieu : à vingt ans, elle avait rencontré son futur mari au très prisé bal du Triomphe des Saint-Cyriens, elle l'avait suivi en régiment à Bayonne, où elle avait attendu tranquillement que s'accomplisse sa destinée de mère de famille nombreuse. Engagements, foi, sociabilité. Mais les années ont passé et elle n'a toujours pas d'enfant. Cette maternité qui se refuse a provoqué en elle une fissure. Au point de la pousser à commettre ce qui ressemble au pire, à ses yeux comme à ceux de sa communauté. Dans ce roman haletant et glaçant, Romane Lafore met en scène une jeune femme, hantée par le bien et le mal.
Un livre intime et bouleversant. En 2022, la mère de l'autrice est victime d'un AVC et ses chances de survie sont infimes mais Ann déjoue tous les diagnostics. Commence alors pour la narratrice, fille, et autrice, le long cheminement à travers les établissements de soins. En parallèle, Julia Deck raconte la vie de sa mère, anglaise issue d'une famille ouvrière qui s'est élevée socialement avant de venir vivre et travailler en France. Au coeur du drame, Julia Deck distille cette étrangeté ironique dont elle a le secret.
Frank Bascombe, né sous la plume de Richard Ford il y a plusieurs décennies, a aujourd'hui 74 ans. Il vit toujours dans le New Jersey à Haddam et travaille comme agent immobilier pour le compte d'un ami. Lorsqu’il apprend que son fils est atteint d’une maladie incurable, il lui propose une virée à la rencontre des monuments d’une Amérique vouée au kitsch : le Palais du Maïs, un hôtel-casino indien, les effigies des « dead presidents » sculptées dans le mont Rushmore. Dans ce roman foisonnant et picaresque l’ombre de la mort plane. Cela n’empêche ni l’humour, ni l’ironie, chers à Richard Ford. Avec ce livre porté par une énergie irrésistible, Richard Ford ausculte une fois encore le mal-être américain sous la forme d‘une comédie noire.
Un récit jubilatoire qui nous plonge dans les arcanes de la justice américaine. Un avocat commis d'office passe le plus clair de son temps à négocier des peines pour ses clients avec un procureur véreux et incompétent. Il aime ce job mais accepte de devenir conseiller juridique dans une boîte de stritease, logée sur un axe routier où convergent de drôles de clients. Un scénario cousu de fils blancs, complètement loufoque, sombre à souhait.
Paul a commis l’irréparable : il a tué son père. Seulement voilà : quand il s’est décidé à passer à l’acte, Thomas Lanski était déjà mort… de mort naturelle. Il ne faudra rien de moins qu’une obligation de soins pendant un an pour démêler les circonstances qui ont conduit Paul à ce parricide dont il n’est pas vraiment l’auteur.
L’Origine des larmes est le récit que Paul confie à son psychiatre : l’histoire d’un homme blessé, qui voue une haine obsessionnelle à son géniteur coupable à ses yeux d’avoir fait souffrir sa femme et son fils tout au long de leur vie. L’apprentissage de la vengeance, en quelque sorte.
Mélange d’humour et de mélancolie, ce roman peut se lire comme une comédie noire ou un drame burlesque. Ou les deux à la fois.