"La contrée obscure" David Vann - éd Gallmeister

Le 3 juin 1539, le conquistador espagnol Hernando de Soto enfonce son épée dans le sol de La Florida et se proclame gouverneur officiel, adoubé par le roi Charles Quint. Au terme d’un périlleux voyage, après avoir bravé la fougue de la mer et la rage de ses ennemis, le voilà enfin face à son destin. À lui les richesses, à lui la gloire, il bâtira là une nouvelle cité qui portera son nom. Aveuglé par l’ambition, obsédé par l’or, de Soto déferle sur les terres avec ses conquistadors. Mais ces nouvelles contrées se révèlent hostiles, peuplées de Cherokees qui se battent farouchement. Face à l’avidité des espagnols, leur résistance se nourrit des mystères de la création et de mythes. Comme celui de l’Enfant Sauvage qui renaît chaque jour, et avec lui, la soif salvatrice de sang.
Explorant l’héritage de ses ancêtres cherokees, David Vann signe une œuvre virtuose sur le choc sanglant des cultures, mêlant avec intensité l’intime à l’universel.

"Et moi, je me contenterais de t'aimer" Rosella Posterino - éd Albin Michel

Après la "Goûteuse d'Hitler", Rosella Postorino nous offre un roman sur le déracinement et l'amour maternel. Un récit à la fois intimiste et bouleversant centré sur trois enfants parmi tant d'autres de la guerre des Balkans. Trois enfants qui se poseront une seule et même question : "Où est notre mère ?". Sarajevo, printemps 1992. Omar a dix ans et passe ses journées à la fenêtre en espérant que sa mère revienne. Seule Nada, avec ses beaux yeux bleus, parvient à l'apaiser en lui tenant la main. Elle a un frère, Ivo, assez âgé pour être mobilisé.  Pour les éloigner de la guerre, un matin de juillet, un bus humanitaire les emmène en Italie. Si la mère d'Omar est toujours vivante, comment fera-t-elle pour le retrouver ? Et si Ivo mourait au combat ? Sur la route de l'exil, Nada rencontre Danilo, qui lui fait une promesse. Arrivés en terre étrangère, entre instituts et familles d'accueil, chacun, sans le savoir, rompt un peu plus le lien avec sa naissance en ouvrant une nouvelle page. Car le prix à payer pour la paix retrouvée est la perte irréversible de l'amour originel. Sauf à se jurer fidélité en tissant un lien qui sera leur salut. Avec une intelligence remarquable et un souffle romanesque puissant, Rosella Postorino signe un roman à la fois épique et intime, inspirée de témoignages d'enfants qui ont vécu l'exil. Une histoire d'amour et de guerre, une magnifique évocation de l'innocence et de la perte.

"Gare Saint-Lazare" Dominique Fabre - éd Fayard

Avec des décennies de recul, un homme revient sur les traces de son enfance et de son adolescence, dans la salle des pas perdus de la gare Saint-Lazare, les rues populeuses alentour, les cafés où les banlieusards boivent debout au comptoir avant d’attraper leur train. Habitant de la première couronne, c’était sa porte d’entrée dans Paris. A moins que la gare n’ait en somme représenté à ses yeux la ville tout entière?  C’est de là qu’il partait pour l’internat. Ou vers des familles d’accueil. Là qu’il errait avec un ami pour éviter de rentrer chez cette mère qui n’était pas toujours contente de le voir. Là qu’il est tombé amoureux d’une vendeuse à la sauvette qui aimait se moquer gentiment de lui.
Autour de lui, mille vies que son regard d’enfant meurtri lui fait voir avec une acuité particulière. Comme si la contemplation du monde en condensé que sont toutes les gares lui avait toujours tenu lieu de refuge, et offert l’espoir d’une réconciliation.
 

"Trust" Hernan Diaz - éd de l'Olivier

Nous sommes dans les années 1930, la Grande Dépression frappe l’Amérique de plein fouet. Wall Street traverse l’une des pires crises de son histoire. Un homme, néanmoins, a su faire fortune là où tous se sont effondrés. Héritier d’une famille d’industriels devenu magnat de la finance, il est l’époux aimant d’une fille d’aristocrates. Ils forment un couple que la haute société new-yorkaise rêve de côtoyer, mais préfèrent vivre à l’écart et se consacrer, lui à ses affaires, elle à sa maison et à ses oeuvres de bienfaisance. Tout semble si parfait chez les heureux du monde… Pourtant, le vernis s’écaille, et le lecteur est pris dans un jeu de piste.Et si cette illustre figure n’était qu’une fiction ? Et si derrière les légendes américaines se cachaient d’autres destinées plus sombres et plus mystérieuses ?

"Western" Maria Pourchet - éd Stock

"J’entends par western un endroit de l’existence où l’on va jouer sa vie sur une décision."C’est en suivant cette éternelle logique de l’Ouest qu' Alexis Zagner, « la gueule du siècle », poussé par l’intuition d’un danger, part vers l'ouest ne laissant aucune trace sur son sillage et arrive incognito dans un village du Lot. Comédien renommé qui devait incarner Dom Juan, il abandonne brusquement le rôle mythique et quitte la ville à la façon des cow-boys – ceux-là qui craignent la loi et cherchent à fondre leur peur dans le désert. Qu’a-t-il fait pour redouter l’époque qui l’a pourtant consacré ? Et qu’espère-t-il découvrir à l’ouest du pays ?
Pas cette femme, Aurore, qui l’arrête en pleine cavale et semble n’avoir rien de mieux à faire que retenir le fuyard et percer son secret. Tandis que dans le sillage d’Alexis se lève une tempête médiatique, un face à face sensuel s’engage entre ces deux exilés revenus de tout, et surtout de l’amour, qui les désarme et les effraie. Dans ce roman galopant porté par une écriture éblouissante, Maria Pourchet livre, avec un sens de l’humour à la mesure de son sens du tragique, une profonde réflexion sur notre époque, sa violence, sa vulnérabilité, ses rapports difficiles à la liberté et la place qu’elle peut encore laisser au langage amoureux.

"Sarah, Suzanne et l'écrivain" Eric Reinhardt - éd Gallimard

Sarah a confié l'histoire de sa vie à un écrivain qu'elle admire, afin qu'il en fasse un roman. Dans ce roman, Sarah s'appelle Susanne. Au départ de ce récit, Susanne ne se sent plus aimée comme autrefois. Chaque soir, son mari se retire dans son bureau, la laissant seule avec leurs enfants. Dans le même temps, elle s'aperçoit qu'il possède soixante-quinze pour cent de leur domicile conjugal. Troublée, elle demande à son époux de rééquilibrer la répartition et de se montrer plus présent, en vain. Pour l'obliger à réagir, Susanne lui annonce qu'elle va vivre ailleurs quelque temps. Cette décision provoquera un enchaînement d'événements aussi bouleversants qu'imprévisibles... Réflexion sur le lien troublant et mystérieux qui peut apparaître entre lecteurs et écrivains, ce roman puissant, porté par la beauté de son écriture, fait le portrait d'une femme qui cherche à être à sa juste place, quelque périlleux que puisse être le chemin qui y mène.

"Le grand secours" Thomas B. Reverdy - éd Flammarion

Il est 7 h 30, sur le pont de Bondy, au-dessus du canal. C'est un de ces lundis de janvier où l'on s'attend à ce qu'il neige, même si ce n'est plus arrivé depuis très longtemps. Sous l'autoroute A3 qui enjambe le paysage, un carrefour monstrueux, tentaculaire, sera bientôt le théâtre d'une altercation dont les conséquences vont enfler comme un orage, jusqu'à devenir une émeute capable de tout renverser. Nous la voyons grossir depuis le lycée voisin où nous suivons, au fil des cours et des récréations, la vie et le destin de Mo et de Sara, de leurs amis, mais aussi de Candice, la prof de théâtre, de ses collègues et de Paul, l'écrivain qu'elle a fait venir pour un atelier d'écriture. Tout au long de cette journée fatidique, chacun d'entre eux devra réinventer le sens de sa liberté, dans un ultime sursaut de vie. C'est là toute la force de cette fiction qui nous immerge dans une réalité dont on nous rebat les oreilles avec des analyses défaitistes et de proposer le roman d'une époque pas très enthousiasmante et d'en dégager l'espoir d'un monde meilleur.

"Pauvre folle" Chloé Delaume - éd du Seuil

Dans toutes les histoires d'amour se rejouent les blessures de l'enfance : on guérit ou on creuse ses plaies. Pour comprendre la nature de sa relation avec Guillaume, Clotilde Mélisse observe les souvenirs qu'elle sort de sa tête, le temps d'un voyage en train direction Heidelberg. Tandis que par la fenêtre défilent des paysages de fin du monde, Clotilde revient sur les événements saillants de son existence. La découverte de la poésie dans la bibliothèque maternelle, le féminicide parental, l'adolescence et ses pulsions suicidaires, le diagnostic posé sur sa bipolarité. Sa rencontre, dix ans plus tôt, avec Guillaume, leur lien épistolaire qui tenait de l'addiction, l'implosion de leur idylle au contact du réel. Car Guillaume est revenu, et depuis dix-sept mois Clotilde perd la raison. Elle qui s'épanouissait au creux de son célibat voit son coeur et son âme ravagés par la résurgence de cet amour impossible, car Guillaume est gay et en couple.

Ii y a du monde dans la tête de Clotilde Mélisse, des voix qu'elle convoque parfois en AG autour de sa personnalité dissociée. Elle a toujours été "Zinzin" et elle a bien des raisons de l'être, diagnostiquée bipolaire elle souffle un peu et rit peut-être mieux de ses dérèglements. Chloé Delaume nous apporte un concentré de trouvailles lexicales d'une drôlerie extravagante. Un livre de démesure, d'autodérision mais qui laisse encore à voir les souffrances qui ont engendré cette oeuvre inclassable.

"Le château des rentiers" Agnès Desarthe - éd de l'Olivier

En levant les yeux vers le huitième étage d'une tour du XIIIe arrondissement de Paris, Agnès rejoint en pensée Boris et Tsila, ses grands-parents, et tous ceux qui vivaient autrefois dans le même immeuble. Rue du Château des Rentiers, ces Juifs originaires d'Europe centrale avaient inventé jadis une vie en communauté, un phalanstère. A les regarder "on ne craignait pas de devenir vieux. Car vieux ne signifiait pas "bientôt mort". Vieux signifiait "encore là". Le passé et le présent se superposent, les années se télescopent, et l'utopie vécue par Boris et Tsila devient à son tour le projet d'Agnès. Un lieu de rires et de paix partagés, très éloigné  des établissements que nous redoutons tous.


Vieillir ? Oui, mais en compagnie de ceux qu'on aime. Telle est la leçon de ce roman plein d'humour et d'autodésion  qui nous entraîne dans un voyage vertigineux à travers les générations. 

La beauté de ce livre réside aussi dans la personnalité généreuse et fantasque de l'autrice. Agnès Desarthe a choisi le parti de la joie et du rire comme une tentative de réparation des tragédies familiales qu'elle accepte de regarder sous toutes les coutures. Elle fait apparaître à volonté, comme une magicienne, vivants et disparus venus de divers époques dans ce phalanstère qui n'a rien d'un tombeau. Un livre absolument réjouissant et qui pourrait faire germer des projets de fins de vies radieux.

"Déserter" Mathias Enard - Actes sud

Les romans de Mathias Enard expérimentent les charmes, les mystères de la langue, tout en étant traversés par la violence de l'histoire.

Au coeur d'un maquis méditerranéen surgit un homme fourbu et sale, il porte sur lui la puanteur des combats et des morts que l'eau n'arrive pas à laver. Il fuit dans la montagne pour tenter de franchir une frontière. Soldat inconnu échappé d'une guerre indéterminée, il semble fuir sa propre violence dans le hors-champ des batailles. Une rencontre le force à recalculer sa trajectoire et sa notion du prix d'une vie. 

Aux alentours de Berlin, à bord d'un petit paquebot de croisière, le 11 septembre 2001, un colloque rend hommage à Paul Heudeber, génial mathématicien est allemand, rescapé de Buchenwald, antifasciste resté loyal à son côté du Mur de Berlin, malgré l'effondrement de l'utopie communiste. Leur fille raconte leur vie séparée par le rideau de fer, elle tente de comprendre ce père admiré qui ne renonça jamais à ses idéaux, resta fidèle à ses passions acceptant les infidélités de l'histoire, seul contre tous. Un héros romantique que rien ne fit vaciller.

"Georgette" Dea Liane - éd de l'Olivier

"Georgette était notre bonne, mais le mot était imprononçable". Georgette veille sur les rituels qui scandent la vie de la narratrice et de son frère : le bain, les repas, le lever et le coucher, les fêtes, les voyages. Elle est aussi la seule à savoir comment se débarrasser des serpents et des scorpions. Georgette est une seconde mère. Elle est indispensable. Mais socialement, elle demeure une fille, c'est-à-dire une domestique.
Telle est la contradiction présente au coeur de ce récit subtil et déchirant.

La narratrice de ce premier roman extrêment réussi rend hommage à la femme qui fut sa "nounou", la" super héroïne" de son enfance. Les parents avaient acheté une caméra à la naissance de leurs enfants et la mère captait inlassablement la vie quotidienne de la famille, les voyages, les déménagements entre la Syrie, le Liban et la France. En visionnant ces films, Dea Liane replonge dans le passé, retrouve ses sensations, ses émotions et redécouvre surtout la place que tenait Georgette au sein de la famille, un membre à part entière qui travailla une quinzaine d'années au sein de la famille mais qui n'avait pas vraiment de statut, Georgette faisait partie de celles que l'on appelaient "les filles" dans les familles bourgeoises libanaises. Passé le temps de l'émotion et de la perte, Dea Liane interroge l'archaïsme des conditions de vie de cette femme, syrienne illettrée et domestique depuis l'âge de treize ans qui lui a prodiguée tant d'amour et qui "a fait de l'arabe sa langue maternelle". Un portrait bouleversant révélé par des bouts de films amateurs qui racontent une femme regardée par une autre vingt ans après.

Prochainement

Agenda septembre 2023

Les journées du matrimoine.

16 septembre à 19h : "Les lieux de Virginia Woolf" projection du film de Michelle Porte, en présence de la réalisatrice. Un portrait à travers les lieux et les paysages où l'écrivaine a vécu. Soirée organisée par 32!ciné. Lieu : Institut Protestant de Théologie 83 bd Arago.

 17 septembre à 18h : soirée dédiée à Assia Djebar (1936-2015). Ecrivaine, réalisatrice, poétesse, élue à l'Académie Française en 2005. Une oeuvre foisonnante entre l'histoire de l'Algérie et de la France. Lecture musicale et projection "La Nouba des femmes du Mont-Chenoua". Soirée organisée par le Poinçon 124 av du Général Leclerc. 

Jeudi 21 septembre, 19h

clairemarin

Claire Marin

"Hors de moi" - "Ruptures" - "Etre à sa place" - "Les débuts. Par où recommencer". Des essais qui puisent dans la littérature et la philosophie et éclairent de manière sensible et accessible ces moments où nos vies vacillent. Une rencontre organisée par la Librairie d'Odessa qui se déroulera à la Bibliothèque Benoîte Groult. Réservation conseillée.

Vendredi 29 septembre, 19h

Le réalisme magique, soirée autour de l'oeuvre de Salman Rushdie, en présence de son traducteur. Rencontre organisée par la Bibliothèque Benoîte Groult. Réservation conseillée.

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