"Vicente Rosenberg est arrivé en Argentine en 1928. Il a rencontré Rosita Szapire cinq ans plus tard. Vicente et Rosita se sont aimés et ils ont eu trois enfants. Mais lorsque Vicente a su que sa mère allait mourir dans le ghetto de Varsovie, il a décidé de se taire. Ce roman raconte l'histoire de ce silence - qui est devenu le mien". Le silence a envahi la maison, il s'insinue petit à petit quand le père Vincente n'arrive plus à parler, rendu muet par son impuissance à secourir sa propre mère. C'est l'histoire d'un secret, d'une histoire non révélée qui s'impose à tous les membres de la famille, présents et descendants. Le mutisme devient à la fois le refuge et l'absence au présent devenu invivable. L'auteur raconte avec une extrême sensibilité ce drame familial.
"Il les vit tellement seuls au monde, il les reconnut dans le caprice de Dieu et dans la violence sans remède de la nature, prisonniers du rêve sans mystère des enfants du Borgo Vecchio". Mimmo et Cristofaro sont amis à la vie à la mort. Ils grandissent dans un quartier misérable de Palerme, parmi les parfums de la mer, le marché aux balances truquées et les venelles tortueuses où la police n'ose pas s'aventurer. Le soir, tandis que Cristofaro pleure sous les coups paternels, Mimmo cherche à apercevoir Celeste, qui patiente sur le balcon quand sa mère reçoit des hommes. Tous les trois partagent le même rêve : avoir pour père Totò, voleur insaisissable et héros du Borgo Vecchio. Lui seul possède un pistolet, dont Mimmo voudrait bien se servir pour sauver Cristofaro d'une mort certaine... Violence et beauté se mêlent au coeur de ce roman envoûtant, qui nous tient en haleine jusqu'au grand final.
C'est le nom d'une ville qui a beaucoup fait rêver Barry Cohen quand il était enfant et dont il retrouve le nom, au hasard de ses déambulations. Barry Cohen a 43 ans, il est à la tête d'un fond spéculatif de pension « l'envers du capital » qui lui permet d'avoir un excellent niveau de vie, dans une résidence pour multimillionnaires à Manhattan. Il est marié avec une brillante avocate Seema , ils ont un fils qui vient d'être diagnostiqué autiste. Cette nouvelle le foudroie, c'est comme si elle annonçait la fin de sa réussite et que son destin lui échappait. Il apprend aussi qu'une enquête est en cours contre lui pour délit d'initié. Débordé par toutes ces nouvelles, il quitte soudainement femme, enfant, entreprise et prend un billet de bus de la compagnie Greyhound qu'empruntent généralement les américains pauvres, pour traverser ou sillonner l'Amérique. Il a décidé de retrouver son amour de jeunesse qui vit au Nouveau-Mexique comme s'il pouvait croire naïvement à un nouveau départ. L'auteur dessine le portrait d'une Amérique aux visages multiples, à la veille de l'élection de Trump. Un road-trip loufoque, drôle et attachant. Barry prend conscience qu'il fait parti de ceux qui ont détraqué la marche du monde, sa réussite sociale, son enrichissement sont finalement des échecs qui l'amènent à ouvrir les yeux et à s'extraire de lui-même. Récit éblouissant de subtilité et d'originalité.
Régis Jauffret a eu un père dont il n'était pas fier. Fortement handicapé par sa surdité, il développa pendant des années un état dépressif qui l'isola encore plus du reste de la famille. Un homme appareillé, qui parlait trop fort. Anti-héros par excellence, père absent tout en étant présent et encombrant, Régis Jauffret aurait bien aimé échanger ce père contre un autre plus rutilant. C'est une souffrance forte et un sentiment de honte qui se déclinent tout au long de ces pages en convoquant des souvenirs et en créant de toute pièce des moments inventés, des micro-fictions qui lui permettent de créer un père aimable et meilleur. Discours direct, cru qui permet aussi de rire beaucoup, ce qui allège fortement le fond de l'histoire. Le récit débute quand l'auteur découvre son père à la TV dans un documentaire sur la police de Vichy. Il le voit arrêté par la Gestapo en 1943 devant l'immeuble que la famille habitait à Marseille. Cette image très ancienne et toute neuve pour Jauffret va lui permettre de fantasmer sur ce père qui aurait pu être un héros, un résistant peut-être. Il mène l'enquête dans la famille qui n'a jamais parlé de cela, il fait appel à des spécialistes pour connaître la provenance de ces images... Ainsi se forme, de manière chaotique, le tracé d'une enfance qu'il préférait oublier et resurgit une colère forte contre ce géniteur qui n'était pas le père souhaité.
C'est un conte qui commence comme tous les contes par « il était une fois... dans un grand bois une pauvre bûcheronne et un pauvre bûcheron. Dans ce grand bois régnaient grande faim et grand froid.... » Ce couple de bûcherons vit à proximité d'une voie ferrée où passent chaque jour des convois de wagons de marchandises. De nombreux papiers griffonnés à la hâte jonchent les abords de la voie ferrée, mais le bûcheron et la bûcheronne ne savent pas lire. La bûcheronne n'a pas eu d'enfants, elle s'en désole, mais un jour, par miracle, tombe du train un paquet : c'est un enfant enveloppé dans un châle brodé d'or, un châle de prière. Paris février 1943, un jeune couple est arrêté avec leurs deux très jeunes enfants et transférés à Drancy. Quelques semaines plus tard, ils sont embarqués dans un wagon plombé, le lait de la mère se tarit, le père décide de sacrifier ou de donner une chance de survie à l'un de ses deux enfants : il enveloppe l'un de ses jumeaux dans un châle de prière et le jette hors du train. Ce conte, long de 103 pages, raconte l'histoire de la Shoa. Jean-Claude Grumberg reprend la structure narrative du conte classique qui mêle espoir et désespoir à la cruauté la plus abominable où rien d'inhumain n'est épargné. Il convoque l'horreur, le froid, la faim, la peur.... en reprenant le récit le plus simple qui soit pour redire l'abominable : le conte. Un absolu chef d'oeuvre à lire et transmettre.
« Constance Debré raconte comment elle a perdu la garde de son fils, et comment cette expérience a suscité en elle une révolution et un dépouillement intérieurs la poussant à interroger l'amour sous toutes ses formes ». Elle largue tout, mari, enfant, travail, famille, appartement. « Finito, vous ne pouvez pas savoir comme c’est bon. » Dans son nouveau roman, Love me tender, Constance Debré, 47 ans, s’avance seule, « le dos et les épaules musclés, les cheveux courts, bruns un peu gris devant, le détail d’un Caravage tatoué sur le bras gauche, et Fils de Pute, calligraphie soignée, sur le ventre ». C'est une écriture nerveuse, violente aussi, quelque chose de très rare en littérature. Elle pose les questions que l'on ose rarement formuler, pourquoi l'amour filial entre une mère et son fils ne serait pas exactement comme les autres amours. Pourquoi ne pourrait-on pas cesser de s’aimer. Pourquoi ne pourrait-on pas rompre ? Amour tellement empêché dans son cas par un ex-mari qui a décidé de l'effacer complètement de la vie de son fils car il ne supporte pas ses nouveaux choix amoureux. Un parcours aride, révoltant qui passe par les tribunaux, les visites encadrées ou les multiples refus de visite. Un acharnement tellement fort contre elle, qu'elle décide un jour de rendre les armes. Un récit poignant au bord des larmes et en pleine colère.
Après le succès de son roman hopi "Née contente à Oraibi", Bérengère Cournut poursuit sa recherche d'une vision alternative du monde avec un roman inuit. Empreint à la fois d'écologie et de spiritualité, "De pierre et d'os" se lit comme un conte et nous plonge dans le destin solaire d'une jeune femme eskimo. "Les Inuits sont un peuple de chasseurs nomades se déployant dans l'Arctique depuis un millier d'années. Jusqu'à très récemment, ils n'avaient d'autres ressources à leur survie que les animaux qu'ils chassaient, les pierres laissées libres par la terre gelée, les plantes et les baies poussant au soleil de minuit. Ils partagent leur territoire immense avec nombre d'animaux plus ou moins migrateurs, mais aussi avec les esprits et les éléments. L'eau sous toutes ses formes est leur univers constant, le vent entre dans leurs oreilles et ressort de leurs gorges en souffles rauques. Pour toutes les occasions, ils ont des chants, qu'accompagne parfois le battement des tambours chamaniques. " (note liminaire du roman). Dans ce monde des confins, une nuit, une fracture de la banquise sépare une jeune femme inuit de sa famille. Uqsuralik se voit livrée à elle-même, plongée dans la pénombre et le froid polaire. Elle n'a d'autre solution pour survivre que d'avancer, trouver un refuge. Commence ainsi pour elle, dans des conditions extrêmes, le chemin d'une quête qui, au-delà des vastitudes de l'espace arctique, va lui révéler son monde intérieur.
Reykjavík, début des années 50. Sigvaldi et Helga décident de nommer leur fille Asta, d'après une grande héroïne de littérature islandaise. Un prénom signifiant - à une lettre près - amour et qui, croient-ils, ne peut que porter chance à leur fille... Ce roman lyrique et charnel raconte l'urgence autant que la difficulté d'aimer, malgré notre quête inlassable du bonheur.
Le titre signifie en créole « un coin perdu ». La famille Ezechiel, est originaire du hameau de Morne-Galant en Guadeloupe. Les descendants de Hilaire (grand-père paternel de l'auteure) vivent en métropole depuis les années 70. Au fil du récit, Estelle-Sarah Bulle, née à Créteil en 1974, nous entraîne dans une histoire largement méconnue, celle de Français des Antilles. La narratrice se fait raconter son île, qu'elle ne connaît que comme une destination de vacances, par sa tante Antoine, septuagénaire, l'aînée de la fratrie. Extravagante, imprévisible, drôle, fantasque, Antoine a l'étoffe d'un personnage romanesque. Très jeune, elle quitte le village pour Pointe-à-Pître, se lance dans le commerce avec d'autres îles des Caraïbes, se retrouvent mêlées aux affrontements pour l'indépendance de l'île et débarque à Paris, dans un appartement de banlieue loué par son frère mais où elle ne voudra jamais mettre les pieds, se destinant à la capitale et rien d'autre. C'est dans une ancienne boutique du 18ème arrondissement qu'elle loge et que sa nièce la rejoint pour écouter ses récits. Peu de textes contemporains racontent comment cohabitaient dans les territoires d'outre-mer les habitants originaires de la Caraïbe, les descendants des populations françaises du continent, les bretons, les normands de Guadeloupe, les Blancs Matignons, les Béké, les grandes familles de planteurs. Les populations ne se mêlaient pas et les territoires restaient très découpés en zones infranchissables. La narratrice interroge cette tante fantasque qui déroule, au fil des conversations les différents épisodes de sa vie, elle fait revivre, le verbe haut, la métaphore truculente, ce que pouvait être une enfance en Guadeloupe dans les années d'après-guerre, les taudis de Pointe-à-Pître, la splendeur des paysages, la ferveur religieuse mêlée aux croyances païennes, une langue interdite le créole, la persistance de la ségrégation dans une société fortement clivée. L'auteure interroge alternativement ses tantes, Antoine et Lucinde, son père appelé par ses aînées « petit frère ». Les récits se croisent, s'interpellent, se contredisent, dévoilant des expériences différentes de l'enfance, de la vie en métropole, des rêves accomplis ou déçus, dans une narration vive, enlevée, drôle et critique. Un récit extraordinaire qui fige le sourire au coin des lèvres, du début à la fin de l'histoire.
L'idée de passer les vacances dans un coin isolé angoissait Franck, producteur hyper connecté, à l'affût de nouveau scénario et des potins du milieu. Lise, sa compagne rêvait d'un long séjour au milieu de nul part, sans réseau et loin des nuisances de la ville. Elle trouve un gîte tout à fait conforme à ses vœux et embarque son compagnon sur un plateau isolé dans le Lot, envahi par la végétation, et qui est devenu le refuge d'une faune inquiétante. Les villageois de la vallée ne mettent plus les pieds sur ce plateau depuis longtemps, de sombres histoires de massacres alimentées par des peurs ancestrales ont fait de ce lieu la montagne maudite. Serge Joncour raconte l'histoire de ce plateau et du village qu'il surplombe, à un siècle de distance et alterne les chapitres se déroulant en 2017 et 1914. Dès que retentit le tocsin le 2 août 1914, le village se vida de ses hommes valides et du bétail, qui rejoignirent le front. Ce sont alors les femmes et les enfants qui prirent en main la survie de la communauté et composèrent avec l'épuisement des travaux des champs, la peur, l'incertitude de l'issue du conflit et la présence d'un voisin mystérieux : un allemand, dompteur de fauves dans des cirques itinérants, pris dans la tourmente de la mobilisation, et réfugié avec ses huit bêtes, sur le plateau d'Orcières. La fascination et la terreur que produisirent cet homme et ses fauves, alimentent encore, un siècle plus tard, l'imaginaire des villageois. Ce comte envoûtant qui réveille les terreurs enfantines, se nourrit du suspens des légendes. En mettant en scène un couple moderne aux prises avec la nature, Serge Joncour nous montre que la sauvagerie est toujours prête à surgir au coeur de nos existences civilisées. Un roman haletant, lyrique et totalement prenant. Une fois encore, Serge Joncour signe un récit sensible, une fable surprenante, d'une grande originalité qui nous invite à réfléchir à nos modes de vies et de pensées.
Un jour de juin, Gloria embarque ses filles sans préavis pour la maison alsacienne où, enfant, elle passait ses vacances. Quelle menace fuit-elle ? Pour le savoir, if faudra revenir en arrière, dans les eaux troubles du passé, rencontrer Giovannangeli, qui l'a prise sous son aile à la disparition de son père, lever le voile sur la mort de Samuel, le père de ses enfants, et comprendre enfin le rôle de l'avocat Santini dans cette histoire. Jusqu'où peut-on protéger ses enfants ? Dans ce roman tendu à l'extrême, Véronique Ovaldé met en scène une mère dont l'inquiétude face au monde se mue en un implacable sang-froid pour l'affronter.