Opéra urbain d'une sidérante beauté, ce récit raconte la vie chaotique de deux très jeunes gens qui vivent à la marge dans un squat, dans une cité périphérique. Ils cumulent les petits boulots sous payés et cherchent l'oubli dans les bruits de la fête, les trafics, les alcools forts et les drogues. Jours difficiles, souvent incertains, que seules éclairent les mots, que Nino enfile comme des perles noires et incandescentes. Nino met en mots, comme d'autres mettraient en musique, cette vie où l'espoir d'une existence meilleure résiste et tarde à se manifester. Et c'est avec les mots, les rythmes, les images qu'il transforme la peur, le précaire, l'indésirable en un sublime poème qu'il adresse à sa compagne. Un texte d'une intense beauté portée par une langue qui s'invente à chaque page.
"C’est ce soir-là, après avoir copieusement arrosé l’arrivée du nouveau venu, que nous avons décidé dans l’euphorie et à l’unanimité de le baptiser Zingaro. Il endosserait le nom de notre théâtre équestre et musical, premier nommé il donnerait à la troupe sa descendance. Plus tard, tandis que la fête se répandait dans la nuit et que s’épanchaient les cœurs imbibés, je me suis surpris, comme souvent, à ne plus trouver ma place. J’éprouve dans ces moments le besoin de me retirer ; de m’évaporer sans au revoir ni salut. Je suis allé le rejoindre dans son box, je n’ai pas allumé, je me suis glissé dans son antre comme on se glisse sous les draps de l’amante endormie. Il était couché sur le flanc gauche, je me suis assis près de lui, il a tourné la tête vers moi sans se relever, un peu étonné de me voir, comme sorti d’un songe.
Cette nuit-là, nous avons fait un pacte : j’allais contaminer son animalité et il allait me permettre d’exister parmi les hommes. Aux humains de mon espèce, nous allions nous révéler. Pour la vie." Magnifique galerie de portraits équins, qui racontent avec poésie et délicatesse, les liens singuliers qui se sont tissés entre l'homme et ses chevaux. A lire, même si l'univers du cheval ne vous est pas familier, vous serez emporté par la magie de ces rencontres. Une grande leçon d'amour et de respect.
Irkoutsk, Sibérie orientale. Yoann Barbereau dirige une Alliance française depuis plusieurs années. Près du lac Baïkal, il cultive passion littéraire et amour de la Russie. Mais un matin de févier, sa vie devient un roman, ou un film noir ! Il est arrêté sous les yeux de sa fille, toruré puis jeté en prison. Dans l'ombre, des hommes ont enclenché une mécanique de destruction, grossière et implacable, elle porte un nom inventé par le KGB : kompromat. Il risque quinze années de camp pour un crime qu'il n'a pas commis. L'heure de l'évasion a sonné...
En 1993, Jennifer Egan, l'une des plus grandes écrivaines américaines, couronnée du prix Pulitzer pour "Qu'avons-nous fait de nos rêves ?", faisait une entrée remarquée en littérature avec ce recueil de nouvelles. La solitude, les regrets mais surtout le désir, sous toutes ses formes – désir de changer, de se racheter, d'échapper à son quotidien –, sont au coeur de ces onze nouvelles magistrales. Depuis des lieux exotiques, comme la Chine ou Bora-Bora, cosmopolites, comme Manhattan, ou plus banals, comme une banlieue de l'Illinois, les personnages de Jennifer Egan – des mannequins, des femmes au foyer, des banquiers, des écolières... – sont en quête d'une nouvelle vie, cherchent à dépasser les frontières. Près de trente ans après leur publication, voici enfin traduites les élégantes et poignantes nouvelles qui composent Ville émeraude. Un événement.
John Smythe est revenu s'installer avec ses enfants, Cathy et Daniel, dans la région d'origine de leur mère, le Yorkshire rural. Ils y mènent une vie ascétique mais profondément ancrée dans la matérialité poétique de la nature. Ils vivent en marge des lois en chassant pour se nourrir et en cultivant un petit lopin de terre. Menacé d'expulsion par un des gros propriétaires terriens de la région qui essaie de le faire chanter, John organise une résistance populaire avec celles et ceux que Price a spolié au fil du temps et qui vivent sous la menace de ses milices. Dans cette société hors contrôle où tout le monde est hors la loi, la barbarie n'est pas loin. Ce récit d'une profonde humanité nous emporte, dans la première partie du récit, vers une sorte d'Eden auquel on aimerait croire, si on pouvait tenir à distance la menace qui plane et qui va s'incarner dans un déchaînement de violence insoutenable à la fin de l'histoire. Ce livre n'est pas une fable, ni une dystopie. Ce livre nous parle de notre époque, où les plus faibles sont soumis aux lois des plus forts, sans pouvoir faire appel à un pouvoir régulateur parce que celui-ci s'est désengagé, en privatisant l'espace public et en donnant un pouvoir plus fort au privé. La violence qui sévit dans certains territoires ruraux s'apparentent de plus en plus à ce que l'on observe dans les zones urbaines classées à risque. Un récit puissant, émouvant et extrêmement dérangeant.
En 2017, la publication de Manuel à l’usage des femmes de ménage a permis au public de découvrir en Lucia Berlin une grande auteur injustement tombée dans l’oubli. Un deuxième recueil de textes courts confirme aujourd’hui la place qu’elle occupe désormais dans le panthéon des lettres américaines, à l’égal d’un Raymond Carver ou d’une Alice Munroe.
Les vingt-deux nouvelles rassemblées dans Un soir au paradis nous emmènent à nouveau sur les lieux où a vécu Lucia Berlin. Que ce soit au Texas, au Chili, à New York ou encore dans la célèbre station balnéaire mexicaine Puerto Vallarta – fréquentée par les stars de hollywoodiennes –, elle traque partout la solitude des êtres, débusque la beauté derrière la laideur et découvre de l’espoir là où nous ne voyons que noirceur. Ses thèmes sont aussi variés que les lieux qu’elle décrit. Certains de ses personnages se débattent avec la célébrité, d’autres avec la monotonie d’un quotidien parfaitement réglé et l’ennui dans le couple, d’autres encore sont aux prises avec les privations de la vie de bohème. Berlin puise son imagination dans une existence marquée par de nombreux déménagements autant que par des déboires sentimentaux et existentiels à répétition. Son humour subtil lui permet de transcender ces épreuves pour y débusquer les petits miracles qui accompagnent toute existence, et sa plume élégante de les transformer en des bijoux littéraires.
Cela fait deux ans que Paul Hansen purge sa peine dans la prison provinciale de Montréal. Il y partage une cellule avec Horton, un Hells Angel incarcéré pour meurtre. Retour en arrière: Hansen est superintendant a L'Excelsior, une résidence où il déploie ses talents de concierge, de gardien, de factotum, et – plus encore – de réparateur des âmes et consolateur des affligés. Lorsqu'il n'est pas occupé à venir en aide aux habitants de L'Excelsior ou à entretenir les bâtiments, il rejoint Winona, sa compagne. Aux commandes de son aéroplane, elle l'emmène en plein ciel, au-dessus des nuages. Mais bientôt tout change. Un nouveau gérant arrive à L'Excelsior, des conflits éclatent. Et l'inévitable se produit. Une église ensablée dans les dunes d'une plage, une mine d'amiante à ciel ouvert, les méandres d'un fleuve couleur argent, les ondes sonores d'un orgue composent les paysages variés où se déroule ce roman. Histoire d'une vie, Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon est l'un des plus beaux livres de Jean-Paul Dubois. On y découvre un écrivain qu'animent le sens aigu de la fraternité et un sentiment de révolte à l'égard de toutes les formes d'injustice.
"J'ai retrouvé l'autostoppeur dans une petite ville du sud-est de la France, après des années sans penser à lui. Je l'ai retrouvé amoureux, installé, devenu père. Je me suis rappelé tout ce qui m'avait décidé, autrefois, à lui demander de sortir de ma vie. J'ai frappé à sa porte. J'ai rencontré Marie". Avec "Par les routes", Sylvain Prudhomme raconte la force de l'amitié et du désir, le vertige devant la multitude des existences possibles. Un récit tout en douceur, en générosité et en tolérance. Des êtres se rencontrent, se croisent, se retrouvent, ils se regardent vivre. Chacun essaie de faire ce qui lui paraît le mieux pour lui même. Le narrateur est écrivain et part s'enfermer dans un appartement dans le sud de la France, c'est là qu'il croise un ami qu'il a connu étudiant et avec lequel il a beaucoup voyagé, ce dernier n'a pas renoncé à ses rêves d'escapades et part régulièrement en stop en France et parfois plus loin. Il vit avec Marie qui est traductrice, ils ont un jeune fils. Le récit tourne autour de ce personnage qui ne peut vivre qu'en état de partance et qui a construit son existence avec cet impératif. On le voit évoluer par le regard des autres personnages qui vivent ses absences à leur manière, mais dans un profond respect de sa liberté. Portés par la douceur du style et des regards, on suit les pérégrinations de l'autostoppeur, ses retours, la vie qui évolue autour de ses absences, et on se retrouve étonnamment proche de ce trio qui aborde avec tant de sérénité les surprises de la vie. Un récit excessivement attachant.
Écrivain majeur de l'Ouest américain, Wallace Stegner a grandi au début du XXe siècle dans la région des Prairies, au nord du Montana et du Dakota. Évoquant les trésors, les mirages et les gens de passage, l'auteur livre ici un témoignage sur un monde qui n'est plus. Mais un monde qui lui a appris à tendre l'oreille au bruit de l'eau des montagnes et à respecter des valeurs héroïques comme la grandeur d'âme et la dignité. Un monde qui lui a fourni la matière essentielle à son oeuvre et à l'engagement politique pour la préservation d'une nature vierge. Mêlant récits autobiographiques et réflexions sur l'environnement, Lettres pour le monde sauvage donne à voir la complexité de la vie dans l'Ouest, la beauté immaculée de ses paysages et les hommes qui ont fait l'Amérique d'aujourd'hui.
Pour échapper, le temps d’un dimanche, à sa propre famille, Albert s’incruste au baptême de Franny, la fille d’un vague collègue, et succombe à la beauté renversante de sa mère, Beverly. Quelques années plus tard, Albert et Beverly se marient. Chaque été, leurs enfants se retrouvent tous chez eux, en Virginie, formant une petite tribu avide de liberté, prête à tout pour tromper l’ennui. Mais un drame fait voler en éclats le rythme et les liens de cette fratrie recomposée. Un roman somptueux qui accompagne sur cinq décennies des personnages lumineux, extraordinairement attachants.
En 2008, la crise des subprimes a durement frappé des individus et des familles entières, jetés à la rue. Ils auraient pu rester sur place, en attendant que le vent tourne à nouveau. Ils ont préféré investir leurs derniers dollars dans l'aménagement d'un van customisé et se mettre en route. Ce récit, entre enquête et fiction, suit la vie de quelques personnes, qui seules ou en couple, ont décidé de liquider le reste de leur biens avant la faillite totale et de tenter de vivre de petits boulots, en se déplaçant en fonction de l'offre. Ils stationnent sur les parking du géant de la distribution en ligne, main d'oeuvre peu exigeante, ils incarnent ces travailleurs précaires qui disposaient auparavant d'un confort de vie tout à fait standard. Ils sont désormais sur la route, ils forment ces nouvelles communautés de travailleurs nomades. Ce livre raconte leur quotidien.