Le grand-père de l'auteur, originaire de Mannheim, avait acheté en 1938, à bas prix l'entreprise de la famille Löbmann qui périt à Auschwitz. Après la guerre, un héritier réclame réparation et Karl Schwarz plonge dans le déni de ses responsabilités de Mitläufer (ceux qui ont marché avec le courant). C'est le point de départ d'une enquête passionnante, au fil de trois générations, sur les traces du travail de mémoire qui permit aux Allemands de passer d'une dictature à une démocratie. La rencontre de son père avec sa mère, fille d'un gendarme sous Vichy, est l'occasion pour l'auteure d'aborder les failles mémorielles en France. En élargissant son enquête à d'autres pays, Géraldine Schwarz montre que cette amnésie menace le consensus moral en Europe.
Ce volume se compose d'une trentaine de textes, souvent parus dans des revues américaines. Ce n'est pas une autobiographie au sens classique du terme, c'est un choix de textes qui permettent une immersion dans une enfance américaine dans les années 1940. Au lieu de privilégier le principe de reconstitution, Joyce Carol Oates se remémore ses souvenirs et les reconstruit avec le recul forcé des années passées. Le lecteur en saura ainsi un peu plus sur les années fondatrices de cette grande romancière américaine. Le Cahier de l'Herne, paru simultanément, apporte aussi d'autres éclairages et comblera les passionnés de son œuvre.
Lors d'un pique-nique au bord de lac Leman, Summer Wassner, dix-neuf ans disparaît. Elle laisse une dernière image d'elle, une jeune fille blonde courant dans les fougères, short en jean, jambes nues. Vingt-cinq après, son frère Benjamin est submergé par la souvenir, sa soeur surgit dans ses rêves, spectrale et gracieuse, et réveille les secrets d'une famille figée dans le silence et les apparences. Le récit pose la question de la survie avec les fantômes. Un livre magnétique entre le thriller et le récit poétique.
Jean-Baptiste Andrea célèbre l'enfance à travers la voix et la pensée d'un garçon de 12 ans qui souffre de troubles psychiques qui l'isolent et brouillent sa perception de la réalité. Depuis que son père lui a offert un blouson publicitaire de la marque Shell, il se fait appeler Shell. Il vit dans une vallée de haute-provence avec ses parents qui tiennent une station service. Quand il comprend qu'il sera bientôt placé dans un institut spécialisé, il fugue dans la montagne et va vivre tout un été, livré à lui même. Il rencontre Viviane, elle apparaît comme un enchantement sur son chemin. Elle devient une compagne de jeu qui impose ses règles avec détermination. Elle sera sa « Reine » et à ce titre, Shell ne pourra rien lui refuser et elle pourra tout lui demander. JB Andrea manie avec virtuosité les codes de la fable et du conte sans jamais tomber dans la mièvrerie. Shell est un héros lunaire et un adolescent subjugué par la beauté de la nature, les parfums du maquis, les métamorphoses de son jeune corps et les idées fantasques de sa Reine. Un roman exceptionnel qui laisse des images saisissantes.
Madeline, une adolescente de 14 ans vit avec ses parents au bord d'un lac, dans le Minnesota, dans une maison vétuste où ils ont échoué après la dislocation de la communauté dont ils faisaient partie. Madeline est une adolescente solitaire, livrée à elle même. Quand s'installe de l'autre côté du lac un couple avec un jeune enfant, elle passe beaucoup de temps à les observer aux jumelles. Cette famille semble très différente de la sienne. Très rapidement elle fait la connaissance de Patra et devient la baby-sitter de Paul. L'adolescente pénètre petit à petit dans ce foyer qui la fascine sans réussir à saisir ce qui pourrait se cacher derrière cette fragile harmonie. Le drame va se nouer autour de l'éducation de Paul et de l'influence que Léo tient à avoir sur son fils. C'est un récit habilement mené, le suspense est préservé jusqu'aux dernières pages du livre qui pose le problème délicat de la responsabilité du témoin.
Lola Lafon revient sur le cas Patricia Hearts, fille d'un magnat de la presse américaine enlevée en 1974 par un groupe d'extrême gauche. Elle allait se marier et suivre les traces des femmes de sa famille et contre toute attente, elle soutient la cause de ses ravisseurs et devient l'icône d'une jeunesse révoltée le temps de sa captivité. On ne saura jamais si elle le fit de son plein gré ou si elle fut conduite à agir sous l'emprise de drogues. Elle est arrêtée armes à la main lors d'un braquage de banque. Lola Lafon construit un récit à tiroirs où résonne le destin de femmes, Mary ou Mercy, qui se sont soustraites volontairement à la volonté de leur milieu dans les siècles passées. La narratrice, jeune étudiante française croise, elle aussi ces chemins et interroge la part de déterminisme et de libre arbitre de chacune et démontre que parfois certaines personnes prennent de chemins complètement inattendus. Un récit exigeant qui nous fait traverser les continents et les époques en posant des questions fondamentales sur ce que représente le choix d'une vie, et de surcroît au féminin.
Eté 69, deux frères Bill et Eugène (21 et 17 ans) passent l'été à pêcher dans les Appalaches. L'aîné prépare son entrée en médecine, comme le souhaite son grand-père qui est devenu le tuteur de ses deux petit-fils depuis le décès de leur père. Le cadet, Eugène souhaite devenir écrivain. Lors d'une journée de pêche, ils font la connaissance de Ligeia, elle vient de Floride et amène avec elle un vent de liberté, de pop et de contre-culture. Elle séduit tour à tour les deux frères mais c'est le cadet qui passera le plus de temps avec elle, il la fournira en drogues volées dans l'officine de son grand-père, elle fera son éducation sexuelle. A la fin de l'été, Ligeia disparaît. Quarante ans plus tard, des ossements sont retrouvés au bord de la rivière et identifiés. C'est le cadavre de Ligeia qui refait surface. Bill est devenu un excellent chirurgien, Eugène n'a jamais réussi à devenir un écrivain, il est alcoolique et dépressif. Malgré leurs différences, les deux frères sont demeurés très liés. La funeste découverte va semer le doute et la suspicion entre eux et les renvoyer à cet été 69.
Au milieu du xixe siècle, un homme apparaît avec ses fils dans les montagnes du Liban. Il s’appelle Khanjar Jbeili, mais on le surnommera vite l’Empereur à pied. Il est venu pour fonder un domaine et forger sa propre légende. Sa filiation ne tarde pas à devenir l’une des plus illustres de la région. Mais cette prospérité a un prix. L’empereur a, de son vivant, imposé une règle à tous ses descendants : un seul par génération sera autorisé à se marier et à avoir des enfants ; ses frères et sœurs, s’il en a, seront simplement appelés à l’assister dans la gestion des biens incalculables et sacrés du clan Jbeili. Serment ou malédiction ? Du début du xxe siècle à nos jours, les descendants successifs auront à choisir entre libre arbitre et respect de l’interdit. Ouverts au monde, ils voyageront du Mexique à la Chine, de la France de la Libération aux Balkans de la guerre froide, en passant par Naples, Rome et Venise, pourchassant des chimères, guettés sans cesse par l’ombre de la malédiction ancestrale. Jusqu’à ce que, revenu sur le sol natal, le dernier de la lignée des Jbeili rompe avec le passé et ses interdits, à l’aube du xxie siècle. Mais à quel prix ?
Elle s’appelle Eva, elle est adorable avec ses boucles blondes et ses bras potelés. Une enfant des années 70. Ses parents se séparent très vite. Dès lors, sa mère l’enferme dans un quotidien pervers et éloigne le père par tous les moyens. Photographe, elle prend Eva comme modèle érotique dès l’âge de quatre ans, l’oblige à des postures toujours plus suggestives, vend son image à la presse magazine.
Emportée dans un monde de fêtes, de déguisements et d’expériences limite, entre féerie et cauchemar, la petite fille ne cesse d’espérer et de réclamer l’absent qui seul pourrait la sauver de son calvaire. Mais la mère maintient l’enfant-objet sous emprise et attendra deux ans avant de lui annoncer la disparition de son père. Enfin, à l’adolescence, le scandale explose.
Comment survivre parmi les mensonges, aux prises avec une telle mère, dans une société qui tolère le pire ? Une seule voie, pour Eva devenue adulte mais restée une petite fille en manque d’amour : mener l’enquête sur son père, tenter de reconstruire ce qui a été détruit. Une expérience vertigineuse.
L'Algérie dont est originaire sa famille paternelle n'a longtemps été pour Naïma qu'une toile de fond sans grand intérêt. Pourtant, dans une société française traversée par des questions identitaires, tout semble vouloir la renvoyer à ses origines. Mais quel lien pourrait-elle avoir avec une histoire familiale qui ne lui a jamais été racontée ? Son grand-père Ali, un montagnard kabyle, est mort avant qu'elle n'ait pu lui demander pourquoi l'Histoire avait fait de lui un "harki". Yema, sa grand-mère, pourrait peut-être lui répondre mais pas dans une langue autre que Naïma comprenne. Quant à Hamid, son père, arrivé en France à l'été 62 dans les camps de transit hâtivement mis en place, il ne parle plus de l'Algérie de son enfance. Comment faire ressurgir un pays du silence ? Dans une fresque romanesque puissante et audacieuse, Alice Zeniter raconte le destin, entre la France et l'Algérie des générations successives d'une famille prisonnière d'un passé tenace. Mais ce livre est aussi un grand roman sur la liberté d'être soi, au-delà des héritages et des injonctions intimes, sociales ou politiques. Cette vaste fresque historique, magistralement menée, nous plonge dans la tragédie que vécurent ceux que l'on appela les "harkis". Poursuivis comme traitres par le FLN, dépossédés de leurs terres, massacrés pour certains, ceux qui ont réussi à fuir en France, lors de l'indépendance de l'Algérie, se sont retrouvés parqués dans des camps de refugiés insalubres, pendant des années. Abandonnés par l'ancien pouvoir colonial qu'ils avaient servi, certains ont dû se demander s'ils avaient fait le bon choix. Ce questionnement s'invite tout au long de ce récit car nul ne sait ce qu'il adviendra quand des choix cruciaux s'imposent et nul ne peut imaginer les conséquences que représentent certaines décisions irrémédiables pour soi-même et les générations à venir.
Ils se nomment Bourgeois et leur patronyme est aussi un mode de vie. Ils sont huit frères et sœurs, nés à Paris entre 1920 et 1940. Ils grandissent dans les traces de la Grande Guerre et les prémices de la seconde. Ils intègrent l'armée, la marine, la médecine, le barreau, les affaires. De la décolonisation à l'après mai 68, leurs existences embrassent toute une époque. Sur cette vertigineuse ronde du temps, Alice Ferney pose un regard de romancière et d'historienne. Allant sans cesse du singulier au collectif, du destin individuel à l'épopée nationale, elle montre l'histoire en train de se faire et passe tout un siècle français au tamis familial. De Jules l'aîné à Marie la dernière, l'apparition et la disparition des personnages, leurs aspirations, leurs engagements rythment ce roman très différent d'une simple saga familiale. C'est ici le siècle qui se trouve reconstruit par brèves séquences, telle une vaste mosaïque où progressivement se détachent les portraits des dix membres de cette fratrie.