"Histoires de la nuit" Laurent Mauvignier - éd de Minuit

Avec Histoires de la nuit, Laurent Mauvignier met en scène un thriller et décrit une réalité sociologique avec subtilité et complexité. Du grand art. Laurent Mauvignier s’intéresse à la France périurbaine, depuis son premier livre, il s’est attaché à donner une existence romanesque à une partie de la société française qui apparaît peu en littérature. Il ne se contente pas de dresser une simple analyse sociologique, mais sait mettre en scène des personnages complexes, dont on découvre peu à peu les failles et la psychologie. Il sait aussi traquer les tragédies que cache l’apparence anodine d’un bourg de province. Ainsi dans ce nouveau roman, où un paisible petit village se transforme en un huis clos angoissant. Christine, artiste peintre, a échoué ici il y a des années. Son voisin Bergogne, jeune agriculteur taiseux, y vit avec sa femme Marion et leur petite fille. La troisième maison du hameau est vide. L’auteur construit un étrange thriller. Mais c’est surtout l’écriture de Mauvignier, sa phrase toute en circonvolutions, qui fait de ce roman une œuvre exceptionnelle.

"Nature humaine" Serge Joncour - éd Flammarion

La France est noyée sous une tempête diluvienne qui lui donne des airs, en ce dernier jour de 1999, de fin du monde. Alexandre, reclus dans sa ferme du Lot où il a grandi avec ses trois soeurs, semble redouter davantage l'arrivée des gendarmes. Seul dans la nuit noire, il va revivre la fin d'un autre monde, les derniers jours de cette vie paysanne qui lui paraissait immuable enfant. Entre l'homme et la nature, la relation n'a cessé de se tendre. A qui la faute ? Dans ce grand roman de "la nature humaine" , Serge Joncour orchestre presque trente années d'histoire nationale où se répondent jusqu'au vertige les progrès, les luttes, la vie politique et les catastrophes successives qui ont jalonné la fin du XXe siècle, percutant de plein fouet une famille française. En offrant à notre monde contemporain la radiographie complexe de son enfance, il nous instruit magnifiquement sur notre humanité en péril. 

 

 

 

"Arène" Négar Djavadi - éd Liana Levi

Le nouveau roman de Négar Djavadi, découverte en 2016 avec « Désorientale », se déroule en plein Paris. Roman coup de poing construit comme un thriller aux multiples rebondissements, une spirale infernale qui aspire jusqu’au dernier de ses personnages. Une structure narrative sous haute tension qui tient le lecteur sous pression jusqu'à la dernière page. Négar Djavadi semble avoir absorbé toute la colère qui gronde et grandit, depuis des années, dans les quartiers de l’est parisien. Une population prise à la gorge par l’insalubrité, les tensions sociales et raciales, les violences policières, le séparatisme culturel et l’absence d’intérêt manifeste des pouvoirs publics à son égard. La narration se structure autour du personnage de Benjamin Grossmann qui a grandi à Belleville dans les années 80, stéréotype du « quadra winner » apôtre du self-contrôle, il est devenu un personnage important dans l’industrie des séries. Il se retrouve, à la suite d’un vol de portable, embarqué dans une histoire qui s’écrit et s’emballe à ses dépends. Benjamin Grossmann créateur de fictions se voit dans le réel dépassé par ce qu’il s’emploie d’ordinaire à mettre en scène. Le tour de force de ce récit est le développement très abouti de chaque personnage, une centaine approximativement, l’auteure choisit de les présenter avec leurs doutes, leurs frustrations, leurs chagrins qui révèlent, plus que tout, ce qu’ils sont réellement. Ce procédé narratif permet une proximité immédiate avec le lecteur, tout en créant une distance avec le milieu dans lequel ils évoluent. Cela donne des clefs pour comprendre les comportements, la « Face cachée » de tout un chacun en donnant accès à la part intime, celle qui détermine les actes. Un roman puissant, ambitieux et engagé.

"Nous tombons" Anna Platt - éd Gallimard

Linköping,1992. Kare, le pilote d'essai d'un avion de chasse Gripen, s'écrase avec son appareil. La colonne de fumée noire qui s'élève alors, visible de partout en ville, marque l'intrusion de la réalité chez tous les personnages du livre. Chacune de ces vies est bouleversée par le crash qui fait obstacle à la réalisation de son rêve ou espoir du moment : Marie-Louise, modeste secrétaire qui se découvre activiste pacifiste, Monica, atteinte d'un cancer et qui porte un lourd secret, Elis, vieux monsieur en maison de retraite passionné d'oiseaux, et Ida, adolescente sportive marquée par la mort de sa maman. C'est avec une grande subtilité de ton et de voix qu'Anna Platt décrit cinq personnes qui ont en commun des vies et des histoires en chute libre. Et qui, chacune à leur manière, vont trouver des ressources pour se relever.

"Le chant du poulet sous vide" Lucie Rico - éd POL

« J'ai commencé à écrire Le chant du poulet sous vide comme un conte, de la même manière que le marketing crée des contes, jusqu'à nous faire croire que les animaux que nous mangeons sont d'adorables bêtes, saines et dévouées, avec lesquelles nous avons une relation. ». La mère est morte. Sa fille, Paule, revient à la ferme et à son élevage de poulets. Citadine, elle se retrouve à devoir s'occuper d'eux, les tuer et les vendre au marché. Quitte à devoir négliger son mari architecte. Mais en mettant à mort les poulets, Paule renouvelle sans cesse le deuil de sa mère. D'autant qu'elle s'attache à eux et ne parvient à les sacrifier qu'en leur rendant hommage, en écrivant leur biographie, en leur créant des stèles. Le roman est ainsi ponctué de biographies de poulet qui deviennent de plus en plus funestes. Paule trouve pour chaque petite bête un caractère. Ces biographies précèdent de peu la mise à mort. Ecrire devient à Paule aussi nécessaire que tuer. Mais Paule entend améliorer l'existence des poulets. Elle retourne en ville avec un projet d'exploitation révolutionnaire. Le passage à l'échelle industrielle n'est pas sans risque, Paule commence à douter d'elle-même. Prise à son propre piège d'humaniser la viande à consommer, d'écrire des fictions sur les poulets. Le conte que Paule s'est inventé vire à l'absurde. Les personnages principaux du livre deviennent les poulets. Et l'humanité déraille doucement, victime de ses compromis entre son désir fou de consommation et de ses stratégies de dénégation d'une réalité sanglante.

"Ville émeraude" Jennifer Egan - éd Robert Laffont

En 1993, Jennifer Egan, l'une des plus grandes écrivaines américaines, couronnée du prix Pulitzer pour "Qu'avons-nous fait de nos rêves ?", faisait une entrée remarquée en littérature avec ce recueil de nouvelles. La solitude, les regrets mais surtout le désir, sous toutes ses formes – désir de changer, de se racheter, d'échapper à son quotidien –, sont au coeur de ces onze nouvelles magistrales. Depuis des lieux exotiques, comme la Chine ou Bora-Bora, cosmopolites, comme Manhattan, ou plus banals, comme une banlieue de l'Illinois, les personnages de Jennifer Egan – des mannequins, des femmes au foyer, des banquiers, des écolières... – sont en quête d'une nouvelle vie, cherchent à dépasser les frontières. Près de trente ans après leur publication, voici enfin traduites les élégantes et poignantes nouvelles qui composent Ville émeraude. Un événement.

  

"Veronica" Mary Gaitskill - éd de l'Olivier

Dans les années 80, Alison a connu son heure de gloire comme mannequin à New York. Mais le rêve a tourné court et s'est transformé en ballade de la dépendance. La drogue, l'argent facile et les succès éphémères l'ont détruite. Vingt ans plus tard, Alison subsiste à New York en faisant quelques heures de ménage chez un ancien amant. Elle replonge dans le tourbillon de ses souvenirs. L'enfance, les relations avec son père, l'amitié rédemptrice avec l'excentrique Veronica, morte du SIDA... Tout revient, tout s'entremêle. Alison nous entraîne à sa suite dans ce " conte de fées pour adultes " brillant et pervers.

 

 

 

"L'histoire de Sam ou l'avenir d'une émotion" Jean-Marc Parisis - éd Flammarion

A 14 ans, dans une petite ville de France, la veille de partir en vacances, Sam rencontre une jeune Galloise. C'est l'émerveillement, le serment. Avant la séparation, déchirante, et le silence, mystérieux. Des années plus tard, à la faveur de divers signes, la pensée de Deirdre revient hanter l'homme que Sam est devenu. Sans attaches, mais gouverné par cette singulière présence, il ira au bout d'un étonnant voyage. Dans ce roman virtuose aux allures de conte moderne, Jean-Marc Parisis joue jusqu'au vertige avec le temps, les visages, les lieux, les distances.

  

"Par les routes" Sylvain Prudhomme éd L'Arbalète Gallimard

"J'ai retrouvé l'autostoppeur dans une petite ville du sud-est de la France, après des années sans penser à lui. Je l'ai retrouvé amoureux, installé, devenu père. Je me suis rappelé tout ce qui m'avait décidé, autrefois, à lui demander de sortir de ma vie. J'ai frappé à sa porte. J'ai rencontré Marie". Avec "Par les routes", Sylvain Prudhomme raconte la force de l'amitié et du désir, le vertige devant la multitude des existences possibles. Un récit tout en douceur, en générosité et en tolérance. Des êtres se rencontrent, se croisent, se retrouvent, ils se regardent vivre. Chacun essaie de faire ce qui lui paraît le mieux pour lui même. Le narrateur est écrivain et part s'enfermer dans un appartement dans le sud de la France, c'est là qu'il croise un ami qu'il a connu étudiant et avec lequel il a beaucoup voyagé, ce dernier n'a pas renoncé à ses rêves d'escapades et part régulièrement en stop en France et parfois plus loin. Il vit avec Marie qui est traductrice, ils ont un jeune fils. Le récit tourne autour de ce personnage qui ne peut vivre qu'en état de partance et qui a construit son existence avec cet impératif. On le voit évoluer par le regard des autres personnages qui vivent ses absences à leur manière, mais dans un profond respect de sa liberté. Portés par la douceur du style et des regards, on suit les pérégrinations de l'autostoppeur, ses retours, la vie qui évolue autour de ses absences, et on se retrouve étonnamment proche de ce trio qui aborde avec tant de sérénité les surprises de la vie. Un récit excessivement attachant.

"Toutes les histoires d'amour ont été racontées, sauf une" Tonino Benacquista - éd Gallimard

Où donc est passé Léo ? Son entourage s’interroge sur le mystère de sa disparition. Qui était-il vraiment ? Que fuyait-il ? S’il vit toujours, où est-il allé se perdre ? Nul ne se doute qu'il vit désormais dans un autre monde, celui des séries télévisées, où tout fait écho, à sa mémoire comme à ses rêveries. Vingt ans après le succès de "Saga", Tonino Benacquista nous rappelle que seule la fiction a le pouvoir de réparer le réel. Tonino Benacquista nous entraîne sur la piste d'un homme qui a choisi de fuir le réel, il surf d'une série à l'autre, emprunte une réplique, ou la situation d'une série et la réutilise dans le contexte d'une autre, tout en y mêlant ses souvenirs. C'est un individu ordinaire dépassé par son époque, celle de la connexion immédiate ou de l'info en continu, pris de vertige, il s'enferme chez lui pour chercher les réponses à ses questions en passant de l'autre côté du miroir, et en se laissant complètement absorbé par l'univers de la fiction. Il ne vit pas par procuration l'histoire des personnages, il utilise les sujets ou les situations pour essayer de comprendre ce qui le hante, il est perpétuellement dans un monologue intérieur. D'autres personnages traversent ce roman, Richard/Rich milliardaire le jour, SDF la nuit, l'écrivain Harold qui représente le monde d'avant... Une quête effrénée d'identités morcelées qui prend, comme toujours chez T. Benacquista, des chemins de traverses inédits.

"Le service des manuscrits" Antoine Laurain - éd Flammarion

"A l'attention du service des manuscrits." C'est accompagnés de cette phrase que des centaines de romans écrits par des inconnus circulent chaque jour vers les éditeurs. Violaine Lepage est, à 44 ans, l'une des plus célèbres éditrices de Paris. Elle sort à peine du coma après un accident d'avion, et la publication d'un roman arrivé au service des manuscrits, Les Fleurs de sucre, dont l'auteur demeure introuvable, donne un autre tour à son destin. Particulièrement lorsqu'il termine en sélection finale du prix Goncourt et que des meurtres similaires à ceux du livre se produisent dans la réalité. Qui a écrit ce roman et pourquoi ? La solution se trouve dans le passé. Dans un secret que même la police ne parvient pas à identifier.

 

 

 

 

  

Prochainement

 

Jeudi 25 avril 

 leconvoi

Rencontre avec Beata Umubyeyi Mairesse

Le 18 juin 1994, quelques semaines avant la fin du génocide des Tutsi au Rwanda, Beata Umubyeyi Mairesse, alors adolescente, a eu la vie sauve grâce à un convoi humanitaire suisse.Treize ans après, elle entre en contact avec l'équipe de la BBC qui a filmé et photographié ce convoi. Commence alors une enquête acharnée (entre le Rwanda, le Royaume-Uni, la Suisse, la France, l'Italie et l'Afrique du Sud) pour recomposer les événements auprès des témoins encore vivants : rescapés, humanitaires, journalistes. Nourri de réflexions sur l'acte de témoigner et la valeur des traces, "Le convoi" offre une contribution essentielle à la réappropriation et à la transmission de cette mémoire collective.

Lieu : 19h, Bibliothèque Benoîte Groult. Réservation conseillée

 

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