Le dernier récit autobiographique d'Edouard Louis est une analyse très aboutie sur les raisons qui ont amené ce jeune auteur à mettre en mots, au fil de ses livres, son parcours de transfuge de classe.
Les humiliations fondatrices, les fuites, le besoin d'imitation, le rejet de son milieu d'origine, les rencontres et la nécessité vitale de se réinventer toujours et toujours.
Un récit précis bouleversant dans lequel chaque mot est pesé et qui ne donne aucune prise à une vision romanesque de sa trajectoire.
A lire absolument.
"Le domaine Marchère lui apparaîtrait comme un paysage après la brume. Jamais elle n'aurait vu un lieu pareil, jamais elle n'aurait pensé y vivre. " C'est un mariage arrangé comme il en existait tant au XIXe siècle. À dix-huit ans, Aimée se plie au charme froid d'un riche propriétaire du Jura. Mais très vite, elle se heurte à ses silences et découvre avec effroi que sa première épouse est morte peu de temps après les noces. Tout devient menaçant, les murs hantés, les cris d'oiseaux la nuit, l'emprise d'Henria la servante. Jusqu'au jour où apparaît Émeline. Le domaine se transforme alors en un théâtre de non-dits, de désirs et de secrets enchâssés, " car ici les âmes enterrent leurs fautes sous les feuilles et les branches, dans la terre et les ronces, et cela pour des siècles ".
« J'allais conjurer le sort, le mauvais oeil qui me collait le train depuis près de trente ans. Le Voyant d'Étampes serait ma renaissance et le premier jour de ma nouvelle vie. J'allais recaver une dernière fois, me refaire sur un registre plus confidentiel, mais moins dangereux. » Universitaire alcoolique et fraîchement retraité, Jean Roscoff se lance dans l'écriture d'un livre pour se remettre en selle : Le voyant d'Étampes, essai sur un poète américain méconnu qui se tua au volant dans l'Essonne, au début des années 60. A priori, pas de quoi déchaîner la critique. Mais si son sujet était piégé ? Abel Quentin raconte la chute d'un anti-héros romantique et cynique, à l'ère des réseaux sociaux et des dérives identitaires. Et dresse, avec un humour délicieusement acide, le portrait d'une génération.
"Excepté mes démangeaisons inexpliquées et ma passion dévorante pour mon mari, ma vie est parfaitement normale. Rien ne déborde. Aucune incohérence. Aucune manie. "
Elle a une vie parfaite. Une belle maison, deux enfants et l'homme idéal. Après quinze ans de vie commune, elle ne se lasse pas de dire " mon mari ". Et pourtant elle veut plus encore : il faut qu'ils s'aiment comme au premier jour. Alors elle note méthodiquement ses " fautes ", les peines à lui infliger, les pièges à lui tendre. Elle se veut irréprochable et prépare minutieusement chacun de leur tête-à-tête.
Elle est follement amoureuse de son mari. Du lundi au dimanche, la tension monte, on rit, on s'effraie, on flirte avec le point de rupture, on se projette dans ce théâtre amoureux.
Un premier roman particulièrement réussi, drôle mais pas tant que cela car il entraîne le lecteur dans les méandres d'une névrose que l'on ne souhaite à personne. Le parti pris d'en parler avec humour, et dans une forme littéraire très originale, nous conduit au plus près des affres de la narratrice et interroge bien évidemment sur la construction toxique d'une certaine idée de la féminité.
Une histoire d’amour magnifique, celle d’un jeune homme pour une femme d’âge mûr qui éclaire et modifie son regard sur le sens de la vie.
Un livre où la littérature, premier amour de ce garçon, devient vitale. Car dans une ville où règne l’effroi, seul l’imaginaire sauve de l’enfermement…
Talentueuse mais solitaire, Alice Lovett prête sa plume pour écrire les histoires des autres. Pourtant elle reste hantée par la seule histoire qui lui échappe : sa propre vie. Une simple rumeur, lancée en ce lointain été 1999 par deux ados éméchés, a embrasé en un rien de temps toute la communauté. Que s'est-il réellement passé sur la banquette arrière de cette voiture alors qu'ils ramenaient Alice, endormie, chez elle ?
Accusations, rejets, déni, faux-semblants... la réalité de chaque protagoniste vacille et reste marquée à tout jamais. Et quand le présent offre une chance de réparer le passé, comment la saisir ? Faut-il se venger ou pardonner ? Ou mieux vaut-il tout oublier ? Mais peut-on oublier ce qu'on n'a jamais vraiment su ?
« Pourquoi, Monsieur, expliquez-moi pourquoi, vous moquez-vous de votre Quichotte lorsqu’il ne s’accommode pas de ce qu’on appelle, pour aller vite, la réalité ? ». Une femme d’aujourd’hui interpelle Cervantes, génial inventeur de Don Quichotte et du roman éponyme, dans une suite de quinze lettres. Tour à tour ironique, cinglante, cocasse, tendre, elle dresse l’inventaire de ce que le célèbre écrivain espagnol a fait subir de mésaventures à son héros pourfendeur de moulins à vent.
Convoquant ainsi l’auteur de toute une époque pour mieux parler de la nôtre, l’autrice de "Pas pleurer" brosse le portrait de l’homme révolté par excellence, animé par le désir farouche d’agrandir une réalité étroite et inique aux dimensions de son rêve de justice. Un livre-manifeste, autant qu’un vibrant hommage à un héros universel et à son créateur.
En 2018, Diégane Latyr Faye, jeune écrivain sénégalais, découvre à Paris un livre mythique, paru en 1938 : Le labyrinthe de l’inhumain. On a perdu la trace de son auteur, qualifié en son temps de « Rimbaud nègre », depuis le scandale que déclencha la parution de son texte. Diégane s’engage alors, fasciné, sur la piste du mystérieux T.C. Elimane, se confrontant aux grandes tragédies que sont le colonialisme ou la Shoah. Du Sénégal à la France en passant par l’Argentine, quelle vérité l’attend au centre de ce labyrinthe ? Sans jamais perdre le fil de cette quête qui l’accapare, Diégane, à Paris, fréquente un groupe de jeunes auteurs africains : tous s’observent, discutent, boivent, font beaucoup l’amour, et s’interrogent sur la nécessité de la création à partir de l’exil. Il va surtout s’attacher à deux femmes : la sulfureuse Siga, détentrice de secrets, et la fugace photojournaliste Aïda… D’une perpétuelle inventivité, La plus secrète mémoire des hommes est un roman étourdissant, dominé par l’exigence du choix entre l’écriture et la vie, ou encore par le désir de dépasser la question du face-à-face entre Afrique et Occident. Il est surtout un chant d’amour à la littérature et à son pouvoir intemporel.
Depuis la mort de sa femme, Theo Byrne, un astrobiologiste, élève seul Robin, leur enfant de neuf ans. Attachant et sensible, le jeune garçon se passionne pour les animaux qu’il peut dessiner des heures durant. Mais il est aussi sujet à des crises de rage qui laissent son père démuni. Pour l’apaiser, ce dernier l’emmène camper dans la nature ou visiter le cosmos. Chaque soir, père et fils explorent ensemble une exoplanète et tentent de percer le mystère de l’origine de la vie. Le retour à la “réalité” est souvent brutal. Quand Robin est exclu de l’école à la suite d’une nouvelle crise, son père est mis en demeure de le faire soigner. Au mal-être et à la singularité de l’enfant, les médecins ne répondent que par la médication. Refusant cette option, Theo se tourne vers un neurologue conduisant une thérapie expérimentale digne d’un roman de science-fiction. Par le biais de l’intelligence artificielle, Robin va s’entraîner à développer son empathie et à contrôler ses émotions.
Après quelques séances, les résultats sont stupéfiants. Mettant en scène un père et son fils dans une Amérique au bord du chaos politique et climatique, Richard Powers signe un roman magistral, brillant d’intelligence et d’une rare force émotionnelle, questionnant notre place dans l’univers et nous amenant à reconsidérer nos liens avec le vivant.
Mobylette est un roman déjanté et cruellement drôle qui dresse le portrait décapant d'un trentenaire à la dérive dans un univers qui ne l'est pas moins. Tour à tour désopilante, survoltée et hilarante, impossible de résister à cette aventure à mille à l'heure entre les Vosges et la Moselle. À quinze ans, Dominique se voyait déjà promener ses presque deux mètres à travers la campagne vosgienne sur une Peugeot 103 orange. Il a fait beaucoup d'efforts pour l'avoir à Noël et en finir ainsi avec la série des Noël pourris. Il y a cru, il a été très déçu. La déception est d'ailleurs une constante dans la vie familiale chaotique de Dom. La déception entre autres choses. De là à en déduire que la suite des événements en découle, il n'y a qu'un pas. Quelques pas pour être précis. Educateur spécialisé en foyer pour ados, il excelle cependant en tenter de réparer ces vies abîmés ou au moins à donner sans compter au mépris des contraintes légales. Sa vie de jeune père n'est guère épanouissante, pas plus que sa vie maritale plutôt en berne. Une séance de ciné qui vire au pugilat. Une baignade mouvementée. Des retrouvailles du troisième type dans les bois. Et deux sœurs aussi féroces qu'attachantes. Accrochez-vous. C'est un roman qui déménage mais qui attache et attrape le lecteur dès les premières lignes.
Laure, prof d’Université, est mariée et mère de deux filles. De Véra, l’aînée, qui organise des mouvements d’insurrection au lycée, Laure envie l’incandescence et la rage. Elle qui, à 40 ans, regrette parfois d’être la somme de la patience et des compromis. Clément, célibataire, 50 ans, court le matin et parle à son chien le soir. Entre les deux il s’ennuie dans la finance, au sommet d’une tour vitrée, lassé de la vue qu’elle offre presque autant que de YouPorn. Laure monte sans passion des colloques en Histoire contemporaine. Clément anticipe les mouvements des marchés, déplorant que les crises n’arrivent jamais vraiment, que le pire ne soit qu’une promesse perpétuellement reconduite. De la vie, l’une attend la surprise. L’autre, toute capacité d’illusion anéantie, attend qu’elle finisse, fatigué d’être un homme dans un monde où seules les tours de la Défense sont légitimement phalliques. Bref, il serait bon que leur arrive quelque chose. Ils vont être l’un pour l’autre un choc nécessaire. Saisis par la passion et ses menaces, ils tentent d’abord de se débarrasser l’un de l’autre en assouvissant le désir, naïvement convaincus qu’il se dompte. Nourrissant malgré eux un espoir qui les effraie et les consume, ils iront loin dans l’incendie. Dans l’ombre, quelque chose les surveille : la jeunesse sans nuance et sans pitié de Véra. Au gré d’un roman sur la passion, Feu photographie une époque. Où les hommes ne sachant plus quelle représentation d’eux-mêmes habiter, pourraient renoncer. Où les femmes pourraient ne pas se remettre de l’incessant combat qu’elles doivent mener pour être mieux aimées. Où les enfants, nés débiteurs, s’organisent déjà pour ne pas rembourser. Alternant les points de vue des deux personnages dans une langue nerveuse et acérée, Maria Pourchet nous offre un roman vif, puissant et drôle sur l’amour, cette affaire effroyablement plus sérieuse et plus dangereuse qu’on ne le croit.