En levant les yeux vers le huitième étage d'une tour du XIIIe arrondissement de Paris, Agnès rejoint en pensée Boris et Tsila, ses grands-parents, et tous ceux qui vivaient autrefois dans le même immeuble. Rue du Château des Rentiers, ces Juifs originaires d'Europe centrale avaient inventé jadis une vie en communauté, un phalanstère. A les regarder "on ne craignait pas de devenir vieux. Car vieux ne signifiait pas "bientôt mort". Vieux signifiait "encore là". Le passé et le présent se superposent, les années se télescopent, et l'utopie vécue par Boris et Tsila devient à son tour le projet d'Agnès. Un lieu de rires et de paix partagés, très éloigné des établissements que nous redoutons tous.
Vieillir ? Oui, mais en compagnie de ceux qu'on aime. Telle est la leçon de ce roman plein d'humour et d'autodésion qui nous entraîne dans un voyage vertigineux à travers les générations.
La beauté de ce livre réside aussi dans la personnalité généreuse et fantasque de l'autrice. Agnès Desarthe a choisi le parti de la joie et du rire comme une tentative de réparation des tragédies familiales qu'elle accepte de regarder sous toutes les coutures. Elle fait apparaître à volonté, comme une magicienne, vivants et disparus venus de divers époques dans ce phalanstère qui n'a rien d'un tombeau. Un livre absolument réjouissant et qui pourrait faire germer des projets de fins de vies radieux.