"Georgette était notre bonne, mais le mot était imprononçable". Georgette veille sur les rituels qui scandent la vie de la narratrice et de son frère : le bain, les repas, le lever et le coucher, les fêtes, les voyages. Elle est aussi la seule à savoir comment se débarrasser des serpents et des scorpions. Georgette est une seconde mère. Elle est indispensable. Mais socialement, elle demeure une fille, c'est-à-dire une domestique.
Telle est la contradiction présente au coeur de ce récit subtil et déchirant.
La narratrice de ce premier roman extrêment réussi rend hommage à la femme qui fut sa "nounou", la" super héroïne" de son enfance. Les parents avaient acheté une caméra à la naissance de leurs enfants et la mère captait inlassablement la vie quotidienne de la famille, les voyages, les déménagements entre la Syrie, le Liban et la France. En visionnant ces films, Dea Liane replonge dans le passé, retrouve ses sensations, ses émotions et redécouvre surtout la place que tenait Georgette au sein de la famille, un membre à part entière qui travailla une quinzaine d'années au sein de la famille mais qui n'avait pas vraiment de statut, Georgette faisait partie de celles que l'on appelaient "les filles" dans les familles bourgeoises libanaises. Passé le temps de l'émotion et de la perte, Dea Liane interroge l'archaïsme des conditions de vie de cette femme, syrienne illettrée et domestique depuis l'âge de treize ans qui lui a prodiguée tant d'amour et qui "a fait de l'arabe sa langue maternelle". Un portrait bouleversant révélé par des bouts de films amateurs qui racontent une femme regardée par une autre vingt ans après.