L'expression « faire mouche », choisie comme titre à ce court récit, prend ici un tout autre sens que celui de « viser juste ». Les personnages de Vincent Almendros sont cadenassés par une histoire familiale qui réduit ses membres au silence. Comme les mouches engluées dans du papier adhésif, ils se regardent gesticuler dans leur inutile combat. Laurent retourne à Saint-Fourneau, le village de son enfance, pour le mariage d'une cousine. Il demande à une amie, Claire, de se faire passer pour Constance, sa compagne. On imagine que le couple bat de l'aile et que Laurent ne souhaite pas en parler. Mais pourquoi a-t'il élaboré un scenario aussi risqué ? Pourquoi mentir à cette famille, mère, oncle, cousine dont il ne semble pas se préoccuper le reste du temps ? C'est justement là le nœud de cette comédie diabolique car Laurent comme les autres ne sait que mentir. Comme si les efforts déployés à bâtir sur du faux étaient finalement plus rassurants. Comme les mouches qui ne peuvent plus s'extraire de la mélasse ou elles sont engluées, la famille en décomposition continue à se mentir sans raison apparente. Chacun semble le gardien de son propre temple, gouffre des exactions, des hontes, des chagrins et des mauvais souvenirs. Le lecteur, à son tour, se sent pris au piège, témoin passif devant une succession d'images figées et mortifères. Il attend le dérapage et retient son souffle jusqu'aux dernières pages. Un roman intense et ambiguë, extrêmement habile qui se lit en apnée.