Paru aux Etas-Unis en 1987, c'est un récit essentiel dans l'oeuvre de Vivian Gornick, figure emblématique du féminisme outre-atlantique. Deux femmes se promènent dans New-York, de Manhattan à Central Park. La mère a 77 ans, sa fille Vivian une cinquantaine d'années. Elles s'exaspèrent mutuellement, se disputent, s'insupportent durant ces promenades ritualisées qui les ramènent inexorablement vers leur quartier d'origine le Bronx, où Vivian a vécu son enfance. On apprend au cours de ces escapades qui ponctuent tout le récit que la mort du père, survenue lorsque Vivian avait une dizaine d'années a ancré sa mère dans une éternelle posture de veuve éplorée.Vivian en veut à cette femme qui a construit une forme de roman familial qui l'empêche de trouver pour elle même des issues à sa vie affective. Le début du récit se déroule dans leur immeuble du Bronx dans les années 50 où s'entassent des familles de classe moyenne, italiennes, juives, polonaises ou russes.
Elle décrit avec tendresse, humour et parfois férocité la vie de ces femmes au foyer, leurs jalousies, leurs différents, leurs médisances et l'envie que certaines suscitent. Corsetées dans leur fierté de mère et d'épouse, elles étouffent leur progéniture dans une méfiance permanente vis à vis de l'extérieur et une éducation dans laquelle la famille est centrale. La cour de l'immeuble est une fenêtre sur le monde, la féminité, la sexualité, les fantasmes bruissent de toutes parts sans atteindre ce foyer où cette mère endeuillée fait porter sur la maisonnée le poids de son deuil. C'est toute la relation passionnelle qu'elle entretient avec sa mère qui est à la fois le sujet de ce livre et le propos plus vaste pour décrire et autopsier la situation des femmes dans ces années 50. Ce roman construit comme un série de nouvelles, propose une analyse sans concession des rapports mères filles. On rit beaucoup car Vivian Gornick sait mettre une distance comique pour évoquer des moments plutôt tragiques : le décès du père, les 9 jours de deuil requis par la tradition juive, l'enterrement et les nombreuses altercations où se disent des paroles terribles. Un récit autobiographique exceptionnel qui n'a pas pris une ride et qui fait aussi penser à celui de Jeanette Winterson « Pourquoi être heureux quand on peut être normal ».