
Le nouveau roman de Négar Djavadi, découverte en 2016 avec « Désorientale », se déroule en plein Paris. Roman coup de poing construit comme un thriller aux multiples rebondissements, une spirale infernale qui aspire jusqu’au dernier de ses personnages. Une structure narrative sous haute tension qui tient le lecteur sous pression jusqu'à la dernière page. Négar Djavadi semble avoir absorbé toute la colère qui gronde et grandit, depuis des années, dans les quartiers de l’est parisien. Une population prise à la gorge par l’insalubrité, les tensions sociales et raciales, les violences policières, le séparatisme culturel et l’absence d’intérêt manifeste des pouvoirs publics à son égard. La narration se structure autour du personnage de Benjamin Grossmann qui a grandi à Belleville dans les années 80, stéréotype du « quadra winner » apôtre du self-contrôle, il est devenu un personnage important dans l’industrie des séries. Il se retrouve, à la suite d’un vol de portable, embarqué dans une histoire qui s’écrit et s’emballe à ses dépends. Benjamin Grossmann créateur de fictions se voit dans le réel dépassé par ce qu’il s’emploie d’ordinaire à mettre en scène. Le tour de force de ce récit est le développement très abouti de chaque personnage, une centaine approximativement, l’auteure choisit de les présenter avec leurs doutes, leurs frustrations, leurs chagrins qui révèlent, plus que tout, ce qu’ils sont réellement. Ce procédé narratif permet une proximité immédiate avec le lecteur, tout en créant une distance avec le milieu dans lequel ils évoluent. Cela donne des clefs pour comprendre les comportements, la « Face cachée » de tout un chacun en donnant accès à la part intime, celle qui détermine les actes. Un roman puissant, ambitieux et engagé.