Les loyautés, ce sont : « Ces liens invisibles qui nous attachent aux autres ... ». « Ce sont les lois de l'enfance qui sommeillent à l'intérieur de nos corps ». C'est un bien commun que nous partageons tous. Ces quelques lignes figurent en préambule avant le début de l'histoire. Théo et Mathis se sont rencontrés au collège, ils ont uni leur solitude et forment un duo impénétrable. Rien ne semble échapper à la vigilance de Théo qui a appris à cacher la réalité de son quotidien familial, parents séparés et père à la dérive. Il n'a que 12 ans et consomme en cachette de fortes doses d'alcools, il teste ses limites, découvre l'ivresse et des états qui le soulagent de ses angoisses. C'est un adolescent en fuite, au bord de l'abîme et qui appelle au secours. Hélène, professeur de SVT perçoit, sans l'identifier, la détresse de Théo, elle sait sans savoir, elle possède la prescience de ceux qui ont connu des situations similaires. Delphine De Vigan décrit avec précision les mécanismes de reconnaissance qui se mettent en action quand le présent entre en résonance avec le passé : « ce quelque chose dans sa silhouette, sa façon de se tenir, de se soustraire au regard des autres... ».
Elle conduit le lecteur à reconstituer par lui-même ce qui a été au lieu de le décrire. La narration est austère, elle alterne quatre points de vue qui relatent les faits et gestes de chacun, l'auteure les regarde vivre et ne cherche pas à intervenir et à transformer ses protagonistes en personnages de roman. Elle sait décrire les remparts que l'enfant parvient à bâtir autour de lui pour préserver l'autre : parent déficient. Delphine De Vigan investit le territoire de l'intime, elle enquête, scrute, fouille et écrit dans un chuchotement l'inavouable. Elle nous fait partager la connaissance de ces comportements extrêmes avec peut-être l'espoir de rendre plus compréhensible ce que sont les sentiments de honte, de peur, de déclassement... qui conduisent au silence et parfois au pire.