Le nouveau et court roman de l’écrivaine polonaise Olga Tokarczuk (Prix Nobel de Littréature en 2018) E. E., initiales de la protagoniste et jeune médium Erna Elzner, se situe dans la lignée du précédent roman de l'autrice "Le banquet des Empouses" qui se voulait une parodie de "La montagne magique" de Thomas Mann. On retrouve dans "E. E." l’idée-force qui traverse toute la fiction de Tokarczuk : soumettre les domaines spirituels ou intellectuels dominés par les hommes au regard des femmes ; de même y figure le brouillage des frontières entre le monde des esprits et celui des vivants, entre l’occulte et le rationnel, sans que l’autrice donne jamais l’impression de se prononcer pour l’un ou pour l’autre. Sourire en coin, elle peint une société bourgeoise au kitsch assumé du début du XXème siècle, dans la ville silésienne de Breslau, alors allemande, actuellement Wroclaw, en Pologne. Olga Tokarczuk a le souci de faire redécouvrir et revivre la diversité ethnique d’une Pologne qui n’a pas toujours été peuplée que de Polonais. Dans E. E., la plupart des personnages sont allemands ou juifs, et les relations intimes et sociales qu’ils entretiennent sont décrites dans un style qui rappelle un réalisme subtil et désillusionné. Tout prête à sourire dans ce roman qui tourne à la farce et renvoie ce cercle d'adultes prétentieux à leurs postures ridicules.