
La collection "Traits et portraits" est destinée à accueillir les textes personnels et intimistes. Marie NDiaye aborde de biais, par quatre textes qui pourraient se lirent indépendamment, son histoire familiale. Née de mère française et de père sénégalais, elle n'a aucun souvenir de ce dernier, parti quand elle avait deux ans. Du récit officiel aux hypothèses sur la vérité de ce départ vécu comme un abandon, elle tisse quatre récits, quatre portraits. Le premier est un long face à face douloureux de la narratrice avec sa mère dont elle espère encore recueillir quelques inormations sur les raisons de l'absence paternelle. Mais têtue, murée dans le silence et atteint de démence sénile, la mère ne compte pas abdiquée devant sa fille et préfère évoquer le bon Denis, figure paternelle de substitution. On comprend que s'éloigne avec cette ultime confrontation la possibilité pour la narratrice d'une vérité. Marie NDiaye choisit alors de raconter l'enfance de ces deux parents, enfances en partie imaginées et reconstituées faute de témoignages mais qui redonne dignité et vie à ce couple dont elle est la fille. Une manière de déconstruire la mythologie familiale et de constater que comme elle son père a été confronté au racisme familial qui peut-être provoqua son départ. Mais avant que l'autrice ne se penche directement sur sa propore histoire, ces douleurs n'avaient pas de noms. La dernière partie, le voyage vers le père, voyage imaginaire, voyage rêvé et tellement paradoxalement envisageable sera la dernière pirouette pour tenter de mettre un point final à cette recherche. Un récit intense et bouleversant qui dit la quête d'une vérité qui ne lui sera jamais acquise. Quel vertige. Quelle réussite.