Tous les romans de Julia Kerninon prennent leur source dans l'amour des mots, de la littérature, dans la curiosité de l'autre et de sa complexité. Ce dernier roman est un inoubliable portrait de femme que l'auteure tente de saisir dans toutes ses dimensions et ses contradictions. Par son prénom Liv, qui veut dire vie en norvégien, elle est du côté de la vie, du mouvement, de l'expérimentation. Son histoire se construit à partir d'éléments qu'elle ne maîtrise pas toujours, de rencontres heureuses ou dramatiques, qui commencent sur une île Bretonne pour finir en Irlande, en passant par le Chili et Berlin. Liv Maria Chrisensen est la fille d’une insulaire bretonne taiseuse, et d’un norvégien grand lecteur. Entouré de l’amour de ses parents et de ses oncles elle a vécu sur l’île natale de sa mère dans un milieu protégé jusqu'à « l’événement » qui lui fera quitter le cocon familial. Julia Kerninon s'intéresse à la façon dont s'agence une personnalité à partir des multiples influences qui la façonnent. Quelles empreintes laissent sur nous nos parents, nos amours, nos amis ? Et de cette personnalité multiple, que savent les autres ? "Que saisissons-nous des gens, la première fois que nous posons les yeux sur eux ? Leur vérité, ou plutôt leur couverture ? Leur vernis, ou leur écorce ?". Comment rester entière lorsqu'on ne peut dévoiler qu'une partie de ses multiples facettes et que le silence menace d'envoyer valser tout l'équilibre trouvé. Julia Kerninon excelle dans l'exploration des sentiments, brouillés par le jeu des apparences. Elle nous parle admirablement bien de l'amour ou plutôt des amours qui se bousculent dans la tête d'une femme, mère, amante, fille. Sous l'apparente fluidité de l'histoire se posent des questions essentielles, à la fois intimes et universelles. C'est aussi un subtile et magnifique hommage à la puissance du verbe, du mot et des langues.